Du fait de son dispositif particulier de lecture partagée réunissant un lecteur-oralisateur, généralement adulte, et un lecteur-auditeur enfant, l’album permet de saisir avec acuité les nombreuses implications – esthétiques, cognitives ou narratives – de certains choix énonciatifs singuliers. Cet article interroge ainsi la manière dont l’énonciation subjective – en je, tu ou nous – et le dispositif de lecture de l’album fonctionnent ensemble. Parce que les narrations à la première, deuxième ou quatrième personne construisent des figures fictionnelles qui sont à assumer directement par l’adulte chargé de lire à voix haute, et qui impliquent de placer l’enfant écoutant dans la position de témoin voire plus exceptionnellement de protagoniste du récit en train de se faire, les scénographies énonciatives qui en découlent produisent toujours, sur des modes et à des degrés divers, des résonances singulières ou des décalages féconds avec la situation de lecture partagée. « Qui parle » dans l’album – et à qui ? En mettant en scène un personnage-narrateur ou un personnage-narrataire spécifique, représenté ou non par les images, l’album en voix subjective ne construit pas seulement un « lecteur modèle » (au sens de Umberto Eco) : il modèle son lecteur-oralisateur.