Les années 1770 et 1780 virent la publication en France de nombreux traités concernant la conception de jardins. À la différence de la théorie de l’art antérieure, ces textes suivaient le plus souvent un plan narratif correspondant à une promenade dans des parcs imaginaires. Les descriptions s’y voulaient entraînantes, décrivant les plaisirs des sens dont jouirait le visiteur. Si Nicolas Le Camus de Mézières — dans son propre ouvrage Le génie de l’architecture — cite directement la théorie des jardins, il suit également en certains passages les procédés rédactionnels développés par cette dernière : son traité, décrivant principalement des intérieurs, insiste sur les impressions produites par ceux-ci sur leurs utilisateurs, plutôt que d’énumérer les enjeux pratiques de leur conception. Et, lorsque Le Camus évoque l’intérêt qu’il porte aux sensations non visuelles, celles-ci sont surtout provoquées par des éléments issus du monde des jardins. Le présent article discute ainsi de l’impact de la théorie et de la pratique de l’art des jardins sur Le génie de l’architecture. Outre une comparaison des sensations et motifs décrits par ces différents textes, il étudie les caractéristiques formelles de ces derniers, afin de déterminer à quel point l’originalité dont fait preuve Le génie de l’architecture peut être attribuée au modèle fourni par la théorie des jardins.