La thèse est consacrée au cadre, aux pratiques et aux acteurs du commerce de détail dans une zone géographique spécifique - la moyenne et la haute Vallée du Rhône - abordée jusqu'à présent essentiellement sous l'angle des échanges à longue distance et de la vente en gros. Parmi les centres urbains qui jalonnent l'axe rhodanien et constituent des points de rupture de charge, à la fois lieux de transit et de redistribution des marchandises mais également marchés de consommation locale, notre attention s'est portée sur trois d'entre eux: les colonies de Lrtgd111111n1 et de Vienna ainsi que l'agglomération secondaire de Lousonna.
C'est par le prisme d'une entité architecturale en particulier que nous nous proposons d'étudier les réalités de l'économie urbaine dans ce secteur géographique: la boutique. Elle se définit comme le lieu de la transaction commerciale, caractérisée à la fois par son accessibilité et sa multifonctionnalité, abritant bien souvent des activités de production, dont témoignent les structures de travail et les déchets associés. Si les données archéologiques italiennes ont été particulièrement propices à de telles études de synthèse, en particulier à l'échelle des cités vésuviennes et d'Ostie, le riche corpus documentaire issu des contextes urbains de Gaule romaine, particulièrement renouvelé à l'heure où l'archéologie préventive permet la mise au jour de vastes quartiers mêlant activités domestiques, artisanales et commerciales, n'avait jusqu'alors pas fait l'objet d'une analyse dédiée. À l'échelle des trois sites choisis, ce sont les données issues de 31 sites archéologiques qui sont exploitées et ont permis de réunir un corpus de 680 boutiques, tous états confondus, entre la deuxième moitié du I° siècle av. et la fin du III° siècle apr. J.-C. Le volume III de cette thèse réunit les notices et les plans redessinés de l'intégralité de ces boutiques.
La méthode employée pour confronter ces données repose sur une étude croisée de critères architecturaux, topographiques et mobiliers. L'approche se veut également multiscalaire et diachronique, avec une attention particulière portée aux évolutions sur le long terme. Il s'agit dans un premier temps de proposer une synthèse architecturale sur le cadre construit de la boutique et ses aménagements internes puis de présenter l'agencement qu'observent les boutiques entre elles pour former des complexes commerciaux bâtis et fonctionnels. Nous proposons ici les pistes d'une typologie architecturale et interrogeons les motivations sous-jacentes aux choix de construction et aux transformations que connaissent ces occupations commerciales. C'est ensuite la fonction des commerces qui est analysée (commerces alimentaires, travail des métaux, travail des textiles, vente de céramique… ), en mettant en regard cadre construit, structures fixes et assemblages de mobilier au sein de contextes stratigraphiques sélectionnés. Nous consacrons également une partie de la réflexion à certains artefacts spécifiques permettant de repérer le geste de la transaction commerciale. L'approche architecturale, spatiale et fonctionnelle tout à la fois aboutit enfin à une réflexion socio-économique plus générale sur le rôle joué par les villes rhodaniennes à l'échelle du marché local et au sein des réseaux à longue distance, sur leurs points communs tout comme leurs particularités et sur les acteurs engagés dans cette économie du quotidien, avec l'appui des sources épigraphiques.