Contexte et objectifs
Le Trouble de la Personnalité Borderline (TPB) est un des troubles psychiatriques les plus fréquents, qui touche plus de 2% de la population globale suisse. Ces personnes touchées par le TPB souffrent de conflits intrapsychiques s’exprimant particulièrement dans les relations, qui sont alors typiquement intenses et instables.
En étudiant les patterns relationnels problématiques relevés par la méthode du Core Conflictual Relationship Theme (CCRT), nous cherchons à mieux comprendre de façon empirique, d’une part a) si la pervasiveness de ces patterns relationnels change entre le début et la fin d’un traitement bref, et d’autre part b) si ce changement explique l’amélioration clinique. Nous espérons ainsi mieux connaître le rôle de l’évolution de la pervasiveness comme mécanisme de changement, ce qui permettrait à terme de mieux adapter le traitement selon les besoins et de le rendre ainsi plus personnalisé et plus efficace.
Les hypothèses que nous posons sont que a) la pervasiveness des conflits intrapsychiques du TPB diminue entre le début et la fin du traitement psychothérapeutique, et que b) l’évolution de la pervasiveness et l’évolution des symptômes sont corrélées.
Méthode
Pour ce travail de master, nous nous sommes basés sur les données d’un essai randomisé contrôlé étudiant une version courte d’une psychothérapie d’orientation psychodynamique. Avec le CCRT, nous avons analysé deux retranscriptions d’entretien par patient (une du début et une de la fin du traitement) pour un total de 39 patients. L’évolution des symptômes entre le début et la fin du traitement a été évaluée avec le Outcome Questionnaire (OQ-45.2).
Résultats
Les deux hypothèses ne sont pas confirmées. La pervasiveness des composantes du CCRT ne semble pas diminuer de manière significative, ni son évolution être corrélée à celle des symptômes, qui eux ont diminué en fin de traitement bref selon l’OQ-45.2. Il y a tout de même un trend intéressant à interpréter qui a été souligné, lequel est que la pervasiveness des Réponses du sujet (RS) diminue de façon presque significative entre le début et la fin du traitement, avec un p = 0.08.
Conclusion
Ces résultats surprennent, car ne confirment pas ce que la théorie psychodynamique et certains précédents articles suggèrent. Il y a plusieurs possibles explications qui seraient intéressantes à étudier. Premièrement, il serait probablement pertinent d’analyser l’évolution des symptômes spécifiques au TPB, puis de mesurer les effets de la thérapie au niveau individuel et pas seulement du groupe. Ensuite, la comparaison de l’évolution de la pervasiveness selon la thérapie (GPM seul ou GPM+MOTR ou un traitement spécifique au TPB) permettrait de mieux cerner leur efficacité respective. Finalement, une analyse de plus de deux séances par patient nous rendrait sensible à la variabilité/instabilité typique du TPB d’une part, et nous aiderait d’autre part à mieux comprendre si ces changements au niveau de la pervasiveness sont un précurseur, un processus concomitant, une conséquence ou un épiphénomène de l’amélioration clinique.
Jusqu’à présent, encore relativement peu d’études basées empiriquement se sont intéressées aux mécanismes de changement (comme l’évolution de la pervasiveness par exemple) expliquant l’effet de la psychothérapie sur le TPB. C’est un domaine nouveau et prometteur avec des implications cliniques. Pour un thérapeute psychodynamique, il est en effet précieux de connaître, pour chacun de ses patients, quels sont les conflits intrapsychiques et comment ils évoluent dans le temps. Cela l’aide à mieux les comprendre et à améliorer sa responsiveness afin de rendre les interventions plus individualisées et satisfaisantes.