Doit-on pouvoir tenter d’inférer l’apparence d’une personne liée à une trace d’ADN trouvée sur la scène d’une infraction? Le législateur helvétique a récemment répondu par l’affirmative à cette question. En effet, la révision de la Loi sur les profils d’ADN (ci-après LADN) est entrée en vigueur le 1er août 2023. En parallèle, la révision du Code de procédure pénale est entrée en vigueur le 1er janvier 2024 et contient des modifications à ses art. 255 ss, en cadrant l’analyse ADN comme moyen de contrainte. Ces deux révisions ont eu pour conséquence de donner pour la première fois aux autorités de poursuite pénale en Suisse la possibilité de recourir à un nouveau type d’analyse ADN, appelé phénotypage forensique, qui consiste à inférer, à partir d’une trace ADN trouvée sur une scène de crime et qui n’a pas trouvé de correspondance dans la base de données ADN CODIS, certaines caractéristiques morphologiques de la personne qui en est la source. C’est de cette technique dont il sera question dans cette contribution, lorsqu’elle est mise en œuvre pour aider à rechercher et identifier l’auteur d’une infraction.
Après une brève explication de la technique d’un point de vue scientifique, nous verrons comment la loi encadre la mise en œuvre du phénotypage forensique (marqueurs pouvant être ciblés, infractions à élucider, autorités compétentes, combinaison avec d’autres mesures) et comment interpréter les résultats obtenus. Nous discuterons ensuite des problématiques que le phénotypage soulève d’un point de vue sociétal, avant de nous interroger sur son possible impact pratique. Nous évoquerons enfin un élément important de l’usage de l’ADN en procédure pénale qui a été totalement ignoré de la révision, à savoir l’interprétation et la nécessité de la mise en contexte des résultats, avant de conclure.