Quelles sont les difficultés interactionnelles ou « relationnelles » que rencontrent ordinairement les médecins face à leurs patients ? Comment vivent-ils ces difficultés ? Que font-ils pour les résoudre, les éviter ou les surmonter? De quelles ressources disposent-ils pour les thématiser et les exprimer? Le présent travail ap­ porte des éléments de réponse à ces questions à partir de l'observation de groupes de discussion rassemblant des médecins généralistes sous la supervision de psychiatres, sur le mode des « groupes Balint». Ces groupes de discussion amènent les médecins à évoquer des patients face auxquels ils se sentent démunis ou dépassés, et qu'ils jugent donc« difficiles». Ils constituent ainsi un lieu d'observation« naturel» des doutes et difficultés ordinaires que suscite leur activité pour les médecins de par son caractère éminemment social -
i.e. en tant qu'elle configure des relations sociales d'un genre bien particulier, avec leurs objectifs, attendus et apories propres. C'est à ressaisir certains de ces doutes et difficultés que j'ai travaillé dans le cadre de cette thèse, en considérant qu'ils peuvent nous offrir des informations d'ordre plus général sur la pratique médicale contemporaine et sur les grandes tensions normatives et axiologiques qui la traversent. L'essentiel de ce tra­ vail est consacré à ces visées empiriques. Mais il poursuit également plusieurs autres objectifs, connexes ou parallèles. Sur le plan méthodologique et analytique, il s'efforce de rendre compte de situations d'interaction concrètes en faisant droit à leur organisation endogène et en donnant à voir leur caractère à la fois structuré et contingent. Cette ressaisie se veut précise et rigoureuse sans céder à un formalisme qui perdrait de vue la consistance propre des situations étudiées. Sur le plan théorique, il s'interroge sur le rapport entre la sociolo­ gie d'Erving Goffman et l'ethnométhodologie. Il propose divers points de rapprochement conceptuels et his­ toriques entre ces approches, en défendant une perspective volontairement ouverte et inclusive. Enfin, sur le plan normatif, il formule à partir des matériaux empiriques récoltés et des analyses réalisées certains argu­ ments susceptibles de faire valoir la pertinence et l'intérêt des dispositifs et pratiques étudiés pour la méde­ cine contemporaine.
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What interactional or "relational" difficulties do physicians usually encounter with their patients? How do they experience these difficulties? What do they do to resolve, avoid or overcome them? How do they thema­ tize and express them? This thesis provides some answers to these questions based on the observation of dis­ cussion groups bringing together general practitioners under the supervision of psychiatrists, in the manner of "Balint groups". Such groups lead physicians to talk about patients they consider to be "difficult", and in front of whom they feel helpless or overwhelmed. As such, they give a "natural" access to the doubts and dif­ ficulties physicians ordinarily and routinely experience due to the eminently social character oftheir activity
- i.e. because their activity configures social relations of a very peculiar kind, with their own aims and requi­ rements. l've tried to describe some ofthese doubts and difficulties, assuming that they can give us more ge­ neral information about contemporary medical practice and about the major normative strains and axiological contradictions that pervade it. This thesis is mostly devoted to these empirical tasks. But it also pursues seve­ ral other objectives, either related or parallel. On a methodological and analytical level, it attempts to grasp the endogenous organization of concrete social interactions in both its structured and contingent character. These analyses are meant to be precise and rigorous without yielding to a formalism that would Jose sight of the specific "aboutness" of the situations analyzed. On the theoretical level, it questions the relationship bet­ ween Erving Goffman's sôciology and ethnomethodology. It proposes various conceptual and historical con­ nexions between these approaches, defending a deliberately open and inclusive perspective. Finally, on the normative level, it draws on empirical data and analysis to formulate various arguments highlighting the re­ levance of discussion groups for contemporary medicine.