Introduction : Le taux de mortalité intra-hospitalier des ruptures d’anévrisme de l’aorte abdominale s’élève à 39% en Suisse. Malgré le développement des techniques endovasculaires, le pronostic de ces patients reste réservé. C’est pour cette raison que plusieurs outils de prédiction ont été conçus afin d’identifier les sujets dont une prise en charge interventionnelle d’urgence ne permettrait pas une amélioration de la survie.
Objectif : L’objectif de cette étude est d’évaluer un score élaboré par le CHU de Bordeaux, se basant sur des données préopératoires, le TOUCAN-score. Sa conception émane du manque de spécificité des scores de la littérature précédemment conçus.
Méthodologie : Nous avons tout d’abord collecté de façon rétrospective les données relatives au TOUCAN-score, cliniques et biologiques, des patients s’étant présentés aux urgences du CHUV pour une rupture d’anévrisme de l’aorte abdominale entre 2015 et 2020. Les variables qui constituent le TOUCAN-score sont : la transfusion sanguine préopératoire, l’âge > 76ans, la localisation de l’anévrisme en trans-rénal, un TP < 75%, un pH < 7.35, et l’administration de noradrénaline préopératoire. Après avoir appliqué les tests statistiques, nous avons comparé les résultats obtenus des patients ayant survécu à l’opération avec ceux qui en sont décédés. Par la suite, une courbe ROC a été générée afin de déterminer, avec un degré de certitude élevé, le seuil qui définirait les patients dont les caractéristiques préopératoires ne permettraient pas d’espérer une amélioration du pronostic après une intervention. Ce seuil a ensuite été comparé avec celui déterminé par l’équipe ayant développé le TOUCAN score.
Résultats :
La présente étude a inclus 66 patients au total, dont 13 patients décédés des suites de l’intervention et 13 qui n’ont pas bénéficié d’une opération en raison de leur situation clinique sévère. Les résultats obtenus s’apparentent avec les valeurs rapportées par l’étude du CHU de Bordeaux. C’est un seuil supérieur ou égal à 3/6 qui a retenu la meilleure spécificité avec le moins de perte de sensibilité lors du travail effectué par le CHU de Bordeaux. Au cours de notre étude au CHUV, l’identification de patients ayant un score de 3, signifiant un état général fortement altéré, a révélé une sensibilité de 61.5 % et une spécificité de 92.5 %. La valeur prédictive positive calculée s’élevait à 72.7%. Le seuil de 3.5/6 a mis en évidence une excellente spécificité (97.5%) avec une sensibilité (46.2%), comparables à celle de l’étude française. La valeur prédictive positive était de 85,7% avec 6 patients décédés sur 7 ayant un score 3.5pts. L’ASC-ROC était de 0.86 qui est supérieure à celle présentée par l’équipe de chirurgie vasculaire de Bordeaux (0.81) et également à l’ensemble des scores de la littérature.
Conclusion : L’application du TOUCAN-score aux urgences ne permet pas de remplacer l’avis des cliniciens, cependant il peut être un outil décisionnel important. Chez un patient avec un TOUCAN-score de 3, la question se pose quant au véritable bénéfice qu’une intervention chirurgicale ou endovasculaire peut apporter. En revanche, un score de <3 ne permet pas de tirer de conclusion quant au pronostic vital post-opératoire.
Enfin, le TOUCAN-score peut se définir comme étant à la fois un outil d’aide à la décision en urgence et également une source d’informations importantes pour la famille et l’entourage. Ainsi, son intégration lors de discussion éthique concernant le choix de l’attitude thérapeutique à envisager apparait tout à fait approprié.