L'utilisation appropriée d'antibiotiques peut sauver des vies en cas de sepsis néonatal. Cette atteinte systémique nécessite effectivement une réaction sans délai. Toutefois, en pratique clinique, le diagnostic de sepsis n'est pas simple à poser. Les outils paracliniques et les symptômes néonataux ne sont pas spécifiques. Les cliniciens choisissent donc de traiter de façon empirique tout nouveau-né avec une suspicion de sepsis. Cette stratégie induit une surutilisation des antibiotiques. Elle contribue au développement de résistances ainsi qu'au développement de conséquences néfastes, apparentes plus tard dans la vie de l'enfant (asthme, allergies, maladies inflammatoires intestinales, obésité). Des études internationales et à large échelle sont nécessaires afin de pouvoir aider les cliniciens réduire de manière sécurisée l'exposition des nouveau-nés aux antibiotiques.
Avant de proposer des algorithmes décisionnels, il est essentiel de sensibiliser le monde médical à la problématique de surexposition. Le but de 1'étude AENEAS est donc de quantifier 1'exposition aux antibiotiques au début de la vie, l'incidence du sepsis néonatal précoce (avant 7 jours de vie) et la mortalité associée.
AENEAS est une étude rétrospective transversale chez le nouveau-né, né 3 à 6 semaines avant le terme et à terme, entre janvier 2014 et décembre 2018. Treize réseaux de onze pays au revenu élevé en Europe, Amérique du nord et Australie ont participé à l'étude. Un réseau a été défini par l'utilisation d'une stratégie commune pour la prévention et la prise en charge d'une infection néonatale suspectée, ainsi que sa capacité à fournir des données de haute qualité sur au moins 25'000 naissances vivantes au cours de la période de 1'étude. Les réseaux ont été classifiés comme populationnels ou hospitaliers. Un réseau populationnel capturait toutes les naissances dans une zone géographique. Un réseau hospitalier, était un hôpital ou groupe d'hôpitaux d'un même pays, utilisant les mêmes stratégies de prévention et de prise en charge d'infection néonatal précoce.
Les résultats primaires étaient la prop01iion des enfants traités par des antibiotiques pour 100 naissances vivantes, la durée du traitement, l'incidence du sepsis néonatal précoce pour 1000 naissances vivantes et la mortalité toutes causes confondues et liée au sepsis.
Entre janvier 2014 et décembre 2018, 757'979 naissances vivantes ont été inclues. Parmi ces nouveau­ nés, 2 l '703 [2.86%, Intervalle de confiance (CI) de 95% 2.83-2.90] ont reçu des antibiotiques lors de la première semaine de vie [âge gestationnel médian 39 semaines d'aménorrhée, écati interquaiiile (IQR) 36-40; poids de naissance médian 3250g, IQR 2750-3750].
Pam1i les réseaux, il a été relevé des variations importantes concernant la proportion de nouveau-nés traités (intervalle de 1.18% à 12.45%). La durée médiane du traitement était de 9 jours [IQR 7-14] pour les nouveau-nés avec un sepsis néonatal prouvé par une hémoculture positive, et de 4 jours [IQR 3-6] pour les cas sans sepsis prouvé. Cela a conduit à une exposition aux antibiotiques de 135 jours/1000 naissances vivantes [IQR 45-491]. L'incidence du sepsis néonatal précoce était de 0.49/1000 naissances vivantes (IQR 0.18-1.45). La mo1ialité due au sepsis était 3.2% (IQR 0-12%). Pour chaque cas de sepsis néonatal précoce, 58 nouveau-nés ont reçu des antibiotiques pour une s01mne de 273 jours antibiotiques.
En conclusion, l'exposition aux antibiotiques lors de la première semaine de vie est disproportionnée par rapport à l'incidence et la m01ialité du sepsis néonatal précoce. Au niveau international, il existe des différences importantes concernant l'incidence (jusqu'à un facteur 9) et l'administration d'antibiotiques (jusqu'à un facteur 8). L'étude AENEAS a permis de poser les bases de la problématique et de proposer un ensemble d'indicateurs facilitant la comparaison internationale et des futures interventions pour réduire l'exposition aux antibiotiques au début de la vie.