La scarification cruelle
Details
Serval ID
serval:BIB_852AC578BC24
Type
Article: article from journal or magazin.
Collection
Publications
Institution
Title
La scarification cruelle
Journal
Intervalles : revue culturelle du Jura bernois et de Bienne
ISSN
1015-7611
Publication state
Published
Issued date
2005
Number
73
Pages
73-88
Language
french
Abstract
Le mythe d'Icare est à l'horizon de « cet envol éblouissant / dans le sillage des poètes maudits ».
Identifications parodiques et dépoétisation dans l'oeuvre de Francis Giauque
Dans Ecce Homo, Nietzsche construit un mythe autobiographique qui a pour effet d'instaurer un fatum de l'oeuvre, la nécessité de sa destinée propre : c'est moins l'homme qui naît à l'oeuvre, que l'oeuvre qui naît dans l'homme, le révélant à lui-même en le suppliciant. Dire ainsi « comment on devient ce que l'on est », c'est montrer comment la pensée, dans son entreprise d'« inversion de toutes les valeurs », « en moi s'est fait chair et génie ». L'avènement créateur implique une identification martyrique à la figure du « Crucifié », que l'auteur endosse et renverse tout à la fois : en affirmant être tombé malade pour une société en voie de dégénérescence, puis être devenu philosophe en « portant sur ses épaules le destin de l'humanité », Nietzsche veut sacrifier en lui-même la morale chrétienne. Il répète en pointant le doigt sur ego le mot de Ponce Pilate, cet « Ecce Homo » qui humiliait le Christ, mais c'est pour le retourner en un sacre de l'homme suprêmement dionysiaque : « M'a-t-on compris ? - Dionysos contre le Crucifié... ». La fin du récit autobiographique s'achève sur cette lutte ouverte. L'accomplissement de l'oeuvre est donc inséparable d'un dédoublement parodique du sujet et des figures que celui-ci s'approprie. En imitant le personnage du Christ, en singeant sa passion dans sa propre aventure intellectuelle, en revendiquant de devenir l'« involontaire parodie vivante » de son modèle évangélique, Nietzsche opère une pluralisation du moi, sa dissociation dialogique, voire son descellement indéfini, dans les analogies ironiques qui se jouent et se rompent en lui.
Cette conception de l'oeuvre comme destin, Francis Giauque l'expose dans son Journal d'enfer, et l'autonomie de l'expérience qui s'y affirme est cette fois esthétique : c'est la poésie qui s'impose au coeur du moi, lequel doit la vivre en une épreuve torturante. En effet, tout montre dans ces pages que le poète n'est pas le sujet de son propre « chemin de croix ». L'ambiguïté énonciative de ses comptes rendus de psychothérapie font flotter le discours personnel entre un constat objectif sur soi-même, assorti d'injonctions et d'exhortations en vue d'une guérison, et une parole rapportée, celle, bien sûr, du médecin à laquelle s'identifie la voix du sujet pour en reprendre les recommandations :
Il faut absolument - et c'est vraiment une question de vie ou de mort - que je puisse enfin retrouver un certain équilibre et acquérir le pouvoir de modifier les mécanismes psychiques qui me dévorent.
Identifications parodiques et dépoétisation dans l'oeuvre de Francis Giauque
Dans Ecce Homo, Nietzsche construit un mythe autobiographique qui a pour effet d'instaurer un fatum de l'oeuvre, la nécessité de sa destinée propre : c'est moins l'homme qui naît à l'oeuvre, que l'oeuvre qui naît dans l'homme, le révélant à lui-même en le suppliciant. Dire ainsi « comment on devient ce que l'on est », c'est montrer comment la pensée, dans son entreprise d'« inversion de toutes les valeurs », « en moi s'est fait chair et génie ». L'avènement créateur implique une identification martyrique à la figure du « Crucifié », que l'auteur endosse et renverse tout à la fois : en affirmant être tombé malade pour une société en voie de dégénérescence, puis être devenu philosophe en « portant sur ses épaules le destin de l'humanité », Nietzsche veut sacrifier en lui-même la morale chrétienne. Il répète en pointant le doigt sur ego le mot de Ponce Pilate, cet « Ecce Homo » qui humiliait le Christ, mais c'est pour le retourner en un sacre de l'homme suprêmement dionysiaque : « M'a-t-on compris ? - Dionysos contre le Crucifié... ». La fin du récit autobiographique s'achève sur cette lutte ouverte. L'accomplissement de l'oeuvre est donc inséparable d'un dédoublement parodique du sujet et des figures que celui-ci s'approprie. En imitant le personnage du Christ, en singeant sa passion dans sa propre aventure intellectuelle, en revendiquant de devenir l'« involontaire parodie vivante » de son modèle évangélique, Nietzsche opère une pluralisation du moi, sa dissociation dialogique, voire son descellement indéfini, dans les analogies ironiques qui se jouent et se rompent en lui.
Cette conception de l'oeuvre comme destin, Francis Giauque l'expose dans son Journal d'enfer, et l'autonomie de l'expérience qui s'y affirme est cette fois esthétique : c'est la poésie qui s'impose au coeur du moi, lequel doit la vivre en une épreuve torturante. En effet, tout montre dans ces pages que le poète n'est pas le sujet de son propre « chemin de croix ». L'ambiguïté énonciative de ses comptes rendus de psychothérapie font flotter le discours personnel entre un constat objectif sur soi-même, assorti d'injonctions et d'exhortations en vue d'une guérison, et une parole rapportée, celle, bien sûr, du médecin à laquelle s'identifie la voix du sujet pour en reprendre les recommandations :
Il faut absolument - et c'est vraiment une question de vie ou de mort - que je puisse enfin retrouver un certain équilibre et acquérir le pouvoir de modifier les mécanismes psychiques qui me dévorent.
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Create date
19/11/2007 10:37
Last modification date
20/08/2019 14:44