Les paysages géomorphologiques sont des paysages dont la composante géomorphologique a un intérêt patrimonial. Les formes du relief qui les composent témoignent de l’histoire et de l’évolution de la surface terrestre. Ils sont aussi des exemples représentatifs des processus actifs qui façonnent les reliefs. De ce fait, les paysages géomorphologiques ont une valeur patrimoniale significative du point de vue des sciences de la Terre. Ils suscitent également un intérêt touristique, qui peut être centré sur la découverte de leurs valeurs patrimoniales et de leur intérêt scientifique (on parle alors de géotourisme) ou simplement basé sur la beauté esthétique qui caractérise un grand nombre de paysages géomorphologiques. Cette thèse de doctorat vise à contribuer aux réflexions actuelles sur la protection des paysages géomorphologiques en décrivant les valeurs patrimoniales (scientifique, écologique, culturelle, esthétique) qui justifient leur protection, et la reconnaissance de ces valeurs par les différents acteurs impliqués dans la gestion territoriale. Elle aborde également des enjeux liés l’utilisation des paysages géomorphologiques comme ressource touristique, notamment pour le géotourisme et la médiation scientifique, dont les effets sur les sites et leur gestion peuvent être divers et contrastés. Trois terrains d’étude différents, en Islande, dans les Alpes suisses et dans l’Atlas marocain, ont été sélectionnés pour répondre aux objectifs de recherche de manière interdisciplinaire.
Les enquêtes menées en Islande montrent que les acteurs locaux du territoire ont une conscience patrimoniale élevée, non seulement par rapport aux caractéristiques esthétiques, mais aussi sur les aspects géomorphologiques. Cette conscience patrimoniale, probablement liée à l’impact culturel des éruptions volcaniques et des avancées glaciaires, se traduit par la mise en place de plans de gestion qui visent une protection stricte du géopatrimoine. Les cas d’étude dans les Alpes suisses montrent que les paysages glaciaires et leurs valeurs patrimoniales évoluent sous l’effet du changement climatique et du retrait glaciaire, avec notamment une diminution de valeur esthétique liée à la disparition de la glace (« engrisement » du paysage). Cela nécessite, d’une part, une protection prioritaire des formes héritées qui ont un intérêt paléogéographique élevé et, d’autre part, une adaptation du tourisme dépassant les considérations esthétiques pour intégrer une compréhension de la dynamique des changements environnementaux en cours. L’analyse empirique des offres de médiation scientifique existantes dans le bien UNESCO Alpes suisses Jungfrau-Aletsch montre toutefois que seulement la moitié des offres propose des descriptions géomorphologiques spécifiques et détaillées, qui s’inscrivent dans le champ du géotourisme.
Dans le Haut Atlas marocain, cette thèse contribue à une meilleure connaissance des paysages géomorphologiques du Géoparc du M’Goun et de leur potentiel éducatif. Au niveau pratique, des ateliers d’échanges et de formation à l’attention des guides locaux ont été élaborés et animés, ce qui constitue un point fort et appliqué de cette recherche. La formation des guides permet en effet de renforcer le tourisme et la sensibilisation à la valeur des géopatrimoines dans cette région. Les résultats obtenus et les perspectives de recherche ouvertes par ce travail soulignent l’importance d’une meilleure prise en compte des caractéristiques géomorphologiques du paysage, tant dans le domaine de la protection de la nature que dans celui du tourisme.