Introduction :
Une nouvelle loi sur les jeux d’argent est entrée en vigueur en Suisse, le 1er janvier 2019. Elle a pour
but d’« harmoniser le droit antérieur et ouvrir le marché des casinos en ligne » et elle introduit une série
de mesures structurelles destinées à protéger les personnes du risque de développer un trouble addictif.
L’article 81 de cette nouvelle loi mentionne qu’après avoir été exclue en Suisse des jeux de hasard en
ligne et des casinos, une personne peut en demander la levée lorsque la raison n’est plus existante. Il est
prévu qu’« un spécialiste, ou un service spécialisé, reconnu par le canton, soit associé à la procédure de
levée de l’exclusion. »
Il existe deux principaux modèles de levée d’exclusion : le premier modèle implique des « spécialistes »
professionnels de santé qui font des interventions de préventions indiquées et ciblées sur les personnes
exclues afin de les sensibiliser quant aux risques de la levée. Cette entrevue clinique est du ressort du
secret médical et le thérapeute ne se prononce pas sur la décision de levée d’exclusion. Le casino a pour
seul retour l’information que l’intervention a eu effectivement lieu.
Le deuxième modèle se situant plutôt sous un angle d’expertise, place le « spécialiste » en tant que
mandataire du casino afin d’avoir de ce premier un préavis quant à la décision de la levée d’exclusion.
Objectif du travail
Décrire les modèles d’intervention associés aux levées d’exclusions liés à la mise en oeuvre de la Loi
sur les jeux d’argent dans sept cantons latins (Fribourg, Genève, Jura, Neuchâtel, Tessin, Valais, Vaud).
Méthode :
Identification et analyse des documents-cadres émis par les cantons investigués au titre de l’art. 81 LJAr,
et élaboration d’un questionnaire semi-structuré à l’attention de spécialistes désignés par chaque canton
pour être « associé », selon les termes de la LJAr, à la levée d’exclusion. Retranscription des interviews
et application d’une technique d’analyse thématique énoncée par Braun et Clarke pour notre étude.
Résultats et discussion :
Deux cantons romands appliquent un modèle d’intervention clinique en prévention indiquée, sans
incidence directe sur la décision du casino de lever ou non l’exclusion et cinq cantons ont un modèle
d’intervention tourné vers l’expertise incluant un préavis donné au casino.
L’ensemble des répondants estiment que les interventions sont bien acceptées et permettent une
sensibilisation aux risques spécifiques même lorsque le modèle d’intervention est tourné vers l’expertise
plutôt que la prévention indiquée.
Le potentiel d’amélioration perçu a concerné notamment la standardisation de la communication entre
le casino et le spécialiste mandaté, le nombre d’entretiens réalisés, un deuxième entretien réalisé à 2-3
mois de la décision de levée permettant un complément d’intervention a posteriori, la possibilité de
processus allégés dans le cas des auto-exclusions, afin d’encourager cette modalité, et l’importance de
mener les entretiens sur les lieux d’aide afin de faciliter un éventuel recours ultérieur.
Les deux modèles d’intervention en prévention indiquée se fondent sur les modèles dits d’intervention
brève ciblant l’efficacité personnelle perçue et le feedback, en ligne avec les connaissances actuelles en
matière de trouble addictif.
Au-delà des deux modèles principaux d’interventions dans le contexte de la levée d’exclusion des jeux
d’argent, l’investigation réalisée permet d’identifier les divergences et convergences, et d’avoir un
retour qualitatif sur la faisabilité et l’acceptabilité des modèles avec un recul de deux ans par rapport à
l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi. Quelques variations sont observées entre les différents cantons,
notamment en ce qui concerne les informations relatives aux entretiens de levée et l’échange
d’informations entre les casinos et les spécialistes associés à la levée.