Dans les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, la photographie devient le médium privilégié d'une série d'expositions destinées à présenter l'architecture suisse dans le monde. La forme photographique et itinérante de l'exposition offre une vitrine internationale exceptionnelle à l'architecture suisse. Ces expositions mettent en évidence un engouement nouveau et sans précédent pour les expositions d'architecture conçues exclusivement pour sillonner de nombreux pays durant de longues périodes afin d'atteindre un public disséminé. Cinq expositions itinérantes d'architecture ont été préparées pour être présentées dans le monde entre 1946 et jusqu'au début des années 1960. Cette recherche questionne l'avènement de la pratique de l'exposition itinérante et photographique d'architecture suisse telle qu'il se manifeste à cette période en privilégiant une approche interdisciplinaire conjuguant des outils empruntés à l'histoire des expositions, l'histoire de la photographie et l'histoire culturelle. Elle interroge le processus de circulation internationale de ces expositions et analyse les formes de leur médiatisation sous l'angle d'un processus de co-construction entre des architectes, des photographes, des diplomates, des représentants de l'expansion commerciale, de la promotion culturelle et des milieux politiques.
Le principe d'exposition itinérante a amplifié la diffusion de l'architecture suisse à l'extérieur des frontières nationales, car ce modèle propose une alternative aux expositions internationales d'architecture qui jouent un rôle majeur dans la propagation et l'échange des idées modernes jusqu'à l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale. Le déplacement aux années 1940-1950 permet de mettre en évidence le fait que les milieux architecturaux jouent un rôle central, mais non exclusif dans cette diffusion de grande ampleur de l'architecture suisse à l'étranger qui repose sur une constellation de groupes d'acteurs issus d'horizons professionnels différents (culturels, diplomatiques, politiques et économiques) qui intervenaient jusqu'alors très peu dans ce secteur d'activité. L'une des questions centrales de cette étude consiste à se demander selon quel processus un objet aussi spécifique que l'architecture devient à partir des années 1940 un objet privilégié par des cercles d'acteurs extérieurs à ce domaine et ce que révèle ce changement.
La présente recherche s'articule autour de trois axes principaux. Le premier considère l'élargissement du champ des acteurs impliqués dans l'organisation des expositions d'architecture, le second accorde de l'importance aux questions économiques, culturelles, politiques et diplomatiques. L'analyse des points de vue des multiples acteurs qui participent à la conception et à la circulation des expositions révèle que le modèle exclusivement photographique de l'exposition vise tout à la fois à faire connaître les productions architecturales développées en Suisse entre les années 1920 et les années 1950, à renforcer les débouchés commerciaux, à nouer, voire à intensifier les liens diplomatiques entre la Suisse et les autres États ou encore à proposer un tableau visuel du pays en présentant des aspects de la vie culturelle et sociale en Suisse. Le troisième axe examine les formes visuelles des expositions. Il considère la participation des architectes qui les conçoivent et celle des photographes dont les photographies sont exposées de façon à souligner la perméabilité des frontières disciplinaires entre architecture, photographie et graphisme.