Cet article révèle à l’aide des enregistrements phonographiques réalisés en 1913 par Guil-laume Apollinaire aux Archives de la parole que les vers libres de « Le voyageur » et les hep-ta-/décasyllabes de « Le Pont Mirabeau » ont un lien de parenté caché avec l’alexandrin. Si personne ne s’en est aperçu jusqu’à présent, c’est sans doute parce que la critique littéraire manque d’outils analytiques et conceptuels pour étudier ces documents sonores. Les précieux enseignements qu’ils renferment sur la genèse des poèmes apollinariens sont ainsi demeurés secrets plus d’un siècle. Intrigués par la régularité avec laquelle le poète a déclamé ses vers, nous nous sommes penchés en musiciens sur ces enregistrements et avons découvert en les transcrivant sur partition que leur structure ne repose pas sur la syllabe, mais sur le temps.