En 2020, est-il encore pertinent de s’interroger sur les princesses du Moyen Âge ? À la lecture du titre de cette publication, des figures diverses surgissent dans les esprits, oscillant entre la Belle au bois dormant – jeune princesse ravissante et vertueuse sauvée par un prince – et la châtelaine désœuvrée vivant à une époque réputée sombre et violente. Ces images contrastées montrent que la connaissance des femmes, fussent-elles aristocrates, reste encore éloignée des réalités historiques, malgré les recherches toujours plus nombreuses sur le sujet depuis la seconde moitié du XXe siècle. Princesses et reines ont laissé plus de traces que les autres femmes. Leur étude, au croisement de l’histoire du pouvoir, de l’histoire des femmes et de l’histoire du genre, permet d’examiner comment s’est construite leur identité politique, religieuse et culturelle.
Dans le cas de la Savoie médiévale, aucune étude globale n’a encore été menée sur les membres féminins de cette dynastie, mais plusieurs recherches sur les rituels dynastiques, le mécénat artistique, les voyages, l’enfance, les vêtements ou encore les testaments ont permis de mettre en évidence différentes facettes de la vie des femmes à la cour. En collectant ces données et en proposant de nouveaux éclairages, cette publication est une occasion d’observer la Savoie par le prisme de l’histoire des femmes .
C’est la plus grande disponibilité des sources – bien qu’émanant très rarement des femmes – qui a motivé le choix de la période allant du XIIIe au XVIe siècle, époque durant laquelle le château de Chillon est sous domination savoyarde. L’attention a été accordée avant tout aux comtesses et duchesses, épouses des seigneurs de Savoie . Ces princesses, filles de souverains, sont issues des plus illustres cours d’Occident comme le révèle leur nom : Bonne de Bourbon, Marie de Bourgogne, Yolande de France, Béatrice de Portugal .
En abordant les thèmes de la naissance et de la mort, du mariage et du veuvage, de l’éducation et des distractions, de l’exercice du pouvoir, de la pratique dévotionnelle et du mécénat, il est possible de brosser un aperçu de la vie des comtesses et duchesses de Savoie. Ces sujets s’intègrent dans le cadre plus général de la conception médiévale des femmes, laquelle découle principalement du discours des hommes, plus particulièrement de celui des clercs. Leurs convictions ont conduit à la construction de modèles et de contre-modèles qu’il faut interroger afin de percevoir changements et permanences entre le Moyen Âge et aujourd’hui.