Quels sont les facteurs biopsychosociaux qui influencent l'atteinte d’un niveau de symptômes acceptable après une rééducation pour des douleurs musculosquelettiques chroniques chez des patient·e·s en âge de travailler ?

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Serval ID
serval:BIB_7A91EF3CC5E6
Type
A Master's thesis.
Publication sub-type
Master (thesis) (master)
Collection
Publications
Institution
Title
Quels sont les facteurs biopsychosociaux qui influencent l'atteinte d’un niveau de symptômes acceptable après une rééducation pour des douleurs musculosquelettiques chroniques chez des patient·e·s en âge de travailler ?
Author(s)
ZUCHUAT E.
Director(s)
LUTHI F.
Institution details
Université de Lausanne, Faculté de biologie et médecine
Publication state
Accepted
Issued date
2018
Language
french
Number of pages
37
Abstract
Dans notre société, une place médiatique immodérée est accordée à la médecine dite « aiguë ».
Souvent plus spectaculaire et retentissante, on ne compte plus le nombre de dépêches de
quotidiens mentionnant les extraordinaires avancées des neurosciences. Tout dernièrement,
l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne publiait une étude qui démontrait comment trois
patients atteints de paraplégie avaient pu remarcher grâce à des stimulations électriques précises
de leur moelle épinière par un implant sans fil. Même si ces avancées sont extraordinaires et
nécessaires, elles concernent une toute petite proportion de patients.
Or, il existe toute une catégorie de patient·e·s dont on ne parle pas, ou peu, mais qui
représentent pourtant une proportion non-négligeable de l’ensemble des personnes prises en
charge quotidiennement dans les services hospitaliers ou ambulatoires : les patient·e·s avec des
douleurs chroniques. Quelle que soit sa spécialité, tout praticien·ne sera confronté·e, à un
moment ou à un autre de sa carrière à ce type de patient·e. C’est précisément à cette frange de
patient·e·s, souvent médiatiquement délaissée, que j’ai choisi de dédier ce travail de recherche.
Nous nous intéresserons à des patient·e·s souffrant de douleurs musculosquelettiques chroniques
et essayerons de mettre en évidence quels sont les facteurs biologiques, psychologiques et sociaux
qui influencent leur devenir. Pour ce faire, nous avons choisi deux outcomes : le niveau de
symptômes acceptable du patient et l’impression globale de changement après un programme de
réadaptation. Afin de mieux comprendre ces deux concepts qui seront détaillés plus finement
dans la suite de ce travail, il convient en premier lieu d’aborder la notion de douleurs chroniques
et ses conséquences, ainsi que quelques données épidémiologiques.
Avant d’énumérer les multiples conséquences engendrées par une douleur chronique, il convient
d’en rappeler la définition. Tout d’abord, la douleur est définie par l’International Association
for the Study of Pain (IASP 1994) comme une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable,
associée ou non à des lésions réelles ou potentielles, ou décrites en des termes évoquant de telles
lésions. (1) La douleur chronique, quant à elle, est une douleur qui dure depuis plus de trois mois
et qui ne répond pas aux traitements usuels. Contrairement à la douleur aiguë dont l’utilité est
de signaler un dommage corporel, la douleur chronique n’a plus cette fonction primaire de
protection. En effet, lorsque l’on étudie, grâce à l’IRM, le cerveau de patient·e·s souffrant de
douleurs lombaires chroniques, on observe un déplacement de l’activité cérébrale, passant ainsi
des régions associées à la douleur aiguë en direction des circuits liés aux émotions. La douleur
chronique est donc associée à des anomalies de la fonction et de la structure cérébrale (2). De
par sa persistance dans le temps, elle affecte considérablement le comportement et le bien-être
de la personne qui en est atteinte. Elle devient alors la maladie à traiter, indépendamment de sa
cause initiale. Elle peut apparaître à tout âge et touche indistinctement hommes et femmes. La
douleur chronique peut être liée à une maladie, à une déficience, à une inflammation ou encore à
une opération. Finalement, elle peut aussi apparaître suite à un accident. (3)
La douleur chronique ne survient pas dans toutes les situations. Pour en comprendre le
développement, il faut aborder le processus qui amène le ou la patient·e d’une douleur aiguë à
une douleur chronique. La chronicisation de la douleur peut être expliquée, entre-autre, par le
modèle de peur-évitement. Le modèle de peur-évitement (fear-avoidance model) est un modèle
cognitivo-comportemental qui lie la peur à la douleur. Si une douleur causée par une lésion ou
2
un effort est interprétée par le ou la patient·e comme menaçante (scénarios catastrophes associés
à la douleur), la peur liée à cette douleur progresse. Cette peur du mouvement ou d’une nouvelle
blessure va conduire progressivement à un mécanisme d’évitement/échappement qui peut
accroître la perception du handicap, le retrait social, le déconditionnement et les symptômes
dépressifs. Ces trois éléments sont associés à une persistance des expériences douloureuses et
donc, à la mise en route d’un cercle vicieux de peur et d’évitement croissants. En l’absence de
catastrophisme, ou si le ou la patient·e n’est pas convaincu·e que le scénario va se réaliser, il
existe peu ou moins de peurs liées à la douleur et à l’activité physique. Les patient·e·s se
confrontent davantage aux activités quotidiennes, ce qui favorise une guérison plus rapide (4).
Les concepts de catastrophisme et de kinésiphobie sont importants et seront repris dans la suite
de ce travail.
En plus du cercle vicieux du modèle peur-évitement, d’autres facteurs de risque favorisant la
survenue de cette chronicisation ont été mis en évidence. Initialement développée pour
appréhender les douleurs lombaires chroniques, cette classification des facteurs de risque en
quatre grandes catégories de flags (drapeaux) est applicable pour tout autre site douloureux
musculosquelettique (5). Les red flags (drapeaux rouges) correspondent aux facteurs biomédicaux
(pathologie organique et autres pathologies somatiques associées). La présence d’un red flag est
un signal d’alarme qui doit enclencher une prise en charge urgente médicale (aussi souvent
chirurgicale) car le risque de morbidité/mortalité pour le ou la patient·e est important. Au
niveau biologique, il a aussi été suggéré qu’en cas de douleurs chroniques, les voies de transmission
de la douleur subissaient des modifications fonctionnelles. Ainsi, les voies nociceptives et les
mécanismes favorisant la douleur deviendraient plus sensibles à différents stimulus, y compris
non-douloureux, avec le risque que ces derniers soient interprétés comme tels. Le lien entre la
douleur et le véritable besoin de protection du corps devient plus ténu. D’autres facteurs
psychosociaux ont ainsi un rôle prépondérant à jouer dans le maintien de la douleur (5). Les
yellow flags (drapeaux jaunes) correspondent aux facteurs psychologiques ou comportementaux
(croyances, stratégies d’adaptation y compris catastrophisme, kinésiphobie, détresse,
comorbidités psychiatriques ou encore volonté de changer). Ces facteurs psychologiques sont
essentiels dans le mécanisme de chronicisation des douleurs et il est actuellement admis que leur
rôle est largement prépondérant par rapport aux facteurs biomédicaux.
Finalement, on distingue encore les blue flags (drapeaux bleus) qui correspondent aux facteurs
socio-économiques (statut professionnel et salarial, environnement familial) et les black flags
(drapeaux noirs) qui correspondent aux facteurs occupationnels liés au travail (conditions de
travail, satisfaction au travail, caractéristiques du travail). (6).
En résumé, il existe très probablement des changements biologiques préparant le terrain pour la
chronicisation des douleurs, mais plus les douleurs persistent, plus la contribution des facteurs
psychosociaux semble importante. Les facteurs psychosociaux sont donc importants non
seulement dans le processus de chronicisation des douleurs (i.e. passage/transition de la douleur
aiguë vers la douleur chronique), mais ils jouent également un rôle dans le maintien des douleurs.
La prise en charge de l’ensemble des facteurs biopsychosociaux constitue le domaine d’action
privilégié de la médecine physique et de réadaptation, médecine qui vise à améliorer le
fonctionnement, l’activité et la participation du ou de la patient·e en agissant de manière globale
sur ses facteurs personnels et environnementaux.
Create date
02/09/2019 16:41
Last modification date
08/09/2020 7:09
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