Introduction
Les hernies incisionnelles (HI) sont l'une des complications tardives les plus fréquentes des chirurgies abdominales. De nos jours, elles sont traitées par une autre intervention chirurgicale : une cure d'éventration par un matériel prothétique : une reconstruction en général avec un filet (mesh). Ces approches ne sont pas sans ennui : les récidives sont présentes, des complications locales sont possibles et le site opératoire devient moins accessible pour une intervention ultérieure. Cette complication représente donc un problème cosmétique majeur pour les patients, elle comporte des risques et un coût accru et les traitements ne sont pas dépourvus de problèmes. Leur incidence varie considérablement selon le site d’incision et aussi selon l’appartenance à certains sous-groupes à risque. L’un de ces sous-groupes pourrait être représenté par les patient transplantés, en raison de la complexité de l’opération et de son environnement (patients immunodéprimés, souvent polymorbides, etc.). Selon la littérature, l’incidence des HI après greffe rénale semble se situe entre 2.6 et 3.2%6,11-12. Nous avons l’impression que, dans le collectif lausannois l’incidence pourrait être supérieure à ce pourcentage. Nous nous sommes fixé l’objectif de mesurer l’incidence et le temps moyen de survenue des hernies incisionnelles et des éviscérations, d’estimer l’influence de différents facteurs de risque sur la survenue de ces complications, en les comparant à la littérature, et de proposer des éventuelles mesures de prévention.
Méthodologie
Nous avons réalisé une étude observationnelle rétrospective monocentrique sur les dossiers des 699 patients ayant bénéficié d’une transplantation rénale au CHUV entre le 01.01.1999 et le 31.12.2018, pour un total de 737 opérations de transplantation. Après approbation du protocole par la Commission d’Ethique, nous avons procédé à la collecte et à l'analyse des données. Les analyses des facteurs de risque ont été réalisées en considérant les variables séparément les unes des autres (analyses univariées). Afin de comparer nos résultats avec les données de la littérature, nous avons effectué une recherche des articles avec les principaux sites de ressources PubMed, Google Scholar et Embase.
Résultats
Parmi les 737 opérations de transplantation, nous avons identifié 47 hernies HI (6.4%). Le temps moyen de survenue des HI diagnostiquées était d’environ 34 mois. L’incidence rapportée aux années de suivi effectives des patients (incidence ratio) était de 9.22‰ HI par année de suivi. Les facteurs qui ont montré une influence significative sur le développement d’une complication (hernie ou éviscération) étaient l'âge, BMI, l’incision en fosse iliaque gauche, les greffes cadavériques, les antécédents de HI, les comorbidités respiratoires, la polymorbidité, l’anticoagulation, l’immunosuppression renforcée, la durée d’hospitalisation, le degré de complication de la greffe et les complications locales (lymphocèle, hématome, reprise du site opératoire).
Conclusion
Les hernies incisionnelles sont des complications cicatricielles fréquentes et probablement sous-estimées de la transplantation rénale. Ces dernières peuvent être responsables de complications supplémentaires et augmenter considérablement la durée d'hospitalisation (entre 8 et 11 jours en moyen pour hernie) avec les comorbidités et les coûts supplémentaires qui en découlent. De nombreux facteurs semblent favoriser leur apparition et les facteurs de risque les plus fréquemment rencontrés dans la littérature, à savoir les complications locales, l'âge avancé et le BMI, se retrouvent également dans cette étude. En plus de l'âge et du BMI, nous avons identifié dans les comorbidités respiratoires, l’utilisation d’une anticoagulation thérapeutique et les antécédents de hernies incisionnelles, des facteurs prédictifs ayant un effet significatif et important sur la survenue de ces complications. Au niveau de mesures préventives, la plupart des études concernent les hernies sur incisions de laparotomie médiane, avec l'utilisation d'un filet prophylactique chez les patients à risque élevé. Cette mesure semble efficace, sûre et fiable également sur le long terme et son utilisation devrait être envisagée pour les incisions en fosse iliaque chez les patients transplantés.