La présente contribution souhaite interroger de manière critique l'origine du rapport cognitif aux oeuvres d'art. Au XVIIIe siècle, émerge une manière radicalement moderne de se rapporter aux oeuvres. Une nouvelle discipline est « inventée » afin de rendre raison du « fait » artistique en l'englobant dans une théorie générale appelée « esthétique ». Ce nouveau type d'interrogation concerne autant l'histoire de l'art dans sa guise « scientifique » que la philosophie. La question dont nous héritons aujourd'hui est la suivante : comment se fait-il que l'oeuvre d'art puisse se donner sur le mode d'une représentation objective, produite par un sujet, dans le but d'élaborer un discours rationnel ? Poser la question en ces termes, c'est déjà être pris, en quelque sorte, dans un régime discursif dont la « condition de possibilité » repose sur deux « postulats » qui nous paraissent aujourd'hui « aller de soi ». Le premier pose qu'« il y a » bien quelque chose qui se donne à titre d'« oeuvre d'art ». Le second, énonce que l'oeuvre d'art, lorsqu'elle est identifiée comme telle, produit à titre d'objet, un effet sur le sujet qui la perçoit en se la représentant et que cet effet doit se dire sur le mode d'un discours rationnel. Or, ces deux « évidences » sont le fruit d'un long processus qu'il est nécessaire de retracer afin de mieux comprendre pourquoi ce que nous appelons « oeuvre d'art » suscite un discours, en vertu d'une lisibilité communément admise.