C’est sur la base d’une observation désormais répandue, à savoir que les médias modernes et le spiritisme apparaissent dans le même contexte socioculturel, que je propose de considérer la figure du médium spirite sous l’angle d’un média, et plus précisément d’un média cinématographique. Il est d’usage dans l’historiographie de considérer Friedrich Kittler comme le premier à avoir mis en évidence le double sens du terme « médium » en tant qu’intermédiaire humain et dispositif technique. Mais il établit ce lien via un modèle d’analyse qui accorde à la technologie la préséance sur les discours, car ce sont les médias qui auraient, selon lui, donné naissance au spiritisme et à l’occultisme, et non l’inverse. Prenant des distances vis-à-vis de cette grille de lecture, j’insiste pour ma part, dans la foulée de Jeffrey Sconce, sur les interactions réciproques entre hardware et software, entre l’histoire des technologies et les imaginaires qui les façonnent, entre le médium (technique) du cinéma et le médium (spirituel) du spiritisme. Car si le mouvement spirite est fasciné par les technologies, à leur tour les discours sur les pouvoirs surnaturels de ces dispositifs puisent leur origine dans l’imaginaire offert par les doctrines spirites. Estimant que la figure du fantôme ne suffit pas à penser la spectralité du cinéma, je propose donc de placer au centre de l’analyse la figure du médium entendue au double sens, technologique et spirite. L'article s'appuie sur une étude de cas tirée du film de Brian De Palma, Furie (The Fury, 1978).