Cette thèse de doctorat est une recherche sur la représentativité des membres des législatifs communaux de quatre grandes villes suisses (Zurich, Lausanne, Lucerne et Lugano) de 1945 à 2016. Nous y analysons le système de recrutement des membres des législatifs locaux en Suisse ainsi que l’évolution historique de leur profil social. Ce faisant, cette thèse a pour objectif de mettre l’idéal démocratique du « système de milice » à l’épreuve de faits empiriques et historiques. La recherche est menée à travers une approche comparative et transdisciplinaire faisant tant appel aux méthodes de l’histoire quantitative qu’aux analyses spatiales de la géographie urbaine ; ces méthodes sont appuyées par un corpus théorique principalement issu de la sociologie des élites, de la science politique et de la théorie politique. L’étude a été menée à partir de la constitution d’une importante base de données biographique sur les membres des législatifs communaux élus dans ces quatre villes depuis 1945 (N = 2648) qui participe à compléter l’actuelle Base de données sur les élites suisses de l’Observatoire des élites suisses (OBELIS) de l’Université de Lausanne. Cette thèse est issue du projet Urban Transformation and Local Political Elites financé par le Fond national suisse pour la recherche scientifique (FNS) entre 2016 et 2019 (Requérants : O. Mazzoleni, A. Pilotti, A. Mach ; Doctorants : Karim Lasseb et Roberto Di Capua). Cette recherche représente la première étude diachronique (sur une longue période) et comparative sur le profil des élus des législatifs locaux en Suisse ; un organe et des élus également largement ignorés jusqu’à aujourd’hui par la littérature internationale. En termes de résultats, cette thèse offre plusieurs apports : premièrement, nous montrons que le système de recrutement des élus locaux urbains est socialement sélectif – les chances d’accès relatives à un organe législatif local et urbain varient en fonction de critères sociaux (âge, sexe, niveau d’étude, profession, ancrage local, quartier d’habitation) ; deuxièmement, on constate que cette sélectivité sociale varie dans le temps et dans l’espace principalement en fonction des rapports partisans, des transformations socio-économiques et spatiales des villes ; troisièmement, cette recherche met en évidence une faible présence de « miliciens » (entendu comme des élus ressemblant socialement à la population) et la domination de deux figures-types d’élus communaux urbains que sont le « notable » (figure plus ancienne issue du centre-droite) et le « col blanc » (figure plus récente surtout issue du centre-gauche) ; quatrièmement, dans cette recherche nous tentons d’ouvrir une discussion théorique sur la notion de « milice politique » et ses liens avec la question de la représentativité, nous examinons les diverses significations de ce terme, ses origines historiques, son usage politique, et questionnons son usage dans une recherche de science politique ; cinquièmement, sur un plan méthodologique nous mobilisons de nouveaux outils appliqués à la sociographie des élites comme l’analyse des inégalités de chances d’accès par odds-ratios ou des analyses géo-spatiales (GIS - Geographical information system) mobilisées pour mettre en évidence des formes de sélectivités spatiales des élus locaux ; sixièmement, cette recherche contribue également à l’histoire politique et socio-économique des quatre villes étudiées.