Initiation des changements phoniques : le cas de l’écosystème rhotique du français laurentien
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ID Serval
serval:BIB_C36E21FDFDC7
Type
Thèse: thèse de doctorat.
Collection
Publications
Institution
Titre
Initiation des changements phoniques : le cas de l’écosystème rhotique du français laurentien
Directeur⸱rice⸱s
Côté Marie-Hélène
Détails de l'institution
Université de Lausanne, Faculté des lettres
Statut éditorial
Acceptée
Date de publication
2022
Langue
français
Résumé
Au cours du dernier siècle et demi, la consonne rhotique du français laurentien a connu des transformations majeures, tout comme les voyelles qui la précèdent en syllabe finale fermée. D’un côté, le /R/ apical historiquement en usage dans l’Ouest du Québec a progressivement été abandonné en faveur du /R/ dorsal. De l’autre, l’inventaire traditionnel de 12 voyelles prérhotiques (/i y u e ø o 3 œ O a 6 w3/; ex. mire, sûr, four, père, beurre, encore, vert, fleur, port, gare, char, noir) s’est réduit à sept chez les locuteurs les plus innovateurs (/i y u 3 œ O w6/). Enfin, l’ensemble des voyelles prérhotiques a subi un phénomène de rhotacisation. Cette thèse présente une analyse complète et intégrée de ces phénomènes, avec pour principal objectif d’en dégager les conditions d’émergence. Les résultats, obtenus à partir d’une étude de corpus approfondie, permettent d’apporter des réponses inédites au problème de l’initiation formulé par Weinreich, Labov et Herzog (1968), à savoir : pourquoi le changement apparaît-il ici et maintenant plutôt qu’ailleurs et/ou à un autre moment?
Un portrait riche de l’évolution de l’écosystème rhotique depuis le dernier quart du 19e siècle est élaboré par la combinaison des données de deux grands corpus géolinguistiques laurentiens : les entrevues de l’Atlas linguistique de l’Est du Canada (Dulong et Bergeron, 1980) et celles de PFC-Québec (Côté, 2014 ; Côté et Saint-Amant Lamy, à paraître). L’analyse acoustique de plus de 13 000 voyelles permet d’établir la chronologie des changements, de modéliser leur diffusion spatiale et d’explorer leur conditionnement par différents facteurs linguistiques (réalisation du /R/ en coda, fréquence lexicale, degré de diphtongaison, environnement segmental, etc.).
Les résultats soutiennent l’hypothèse selon laquelle la rhotacisation des voyelles prérhotiques serait un effet indirect de l’introduction du [K] dorsal dans l’Ouest du Québec. Ce mécanisme suggère une solution plus générale au problème de l’initia- tion, soit que la propagation d’un nouvel allophone libre dans une communauté lin- guistique entraîne une situation propice à l’apparition de changements phoniques, en particulier si cet allophone fait l’objet de variation intra-individuelle. D’autres chan- gements, comme la neutralisation des deux séries de voyelles moyennes et l’adoption
de la variante [w>6] de la diphtongue -oi s’avèrent être le résultat de la reprise des
contacts entre la France et le Québec au milieu du 19e siècle et du changement normatif qui en découle. Enfin, il semble que la neutralisation de /a/–/6/ et celle de /O/–/6/ soient les conséquences de dynamiques systémiques internes (réana- lyse de la diphtongaison comme trait de quantité parmi les voyelles prérhotiques et contraintes imposées par la production des timbres rhotacisés, respectivement). Ces constats soulignent le caractère interdépendant des éléments du système phonique et l’importance d’une approche globale intégrant phonologie, acoustique, sociolin- guistique et linguistique de corpus.
--
Over the last century and a half, the rhotic consonant of Laurentian French has undergone major transformations, as have the vowels that precede it in word-final closed syllables. First, the apical variant of /R/, historically used in Western Que- bec, has been gradually replaced by a dorsal /R/. Second, the traditional prerhotic inventory, consisting of 12 vowels (/i y u e ø o 3 œ O a 6 w3/; e.g. mire, sûr, four, père, beurre, encore, vert, fleur, port, gare, char, noir), has been downsized to seven in the speech of young/innovative speakers (/i y u 3 œ O w6/). Third, all prerhotic vowels have undergone a process of rhotacisation. This thesis presents a comprehensive and integrated analysis of these phenomena, aiming at outlining the pathways to their emergence. The findings provide some valuable answers to the actuation problem formulated by Weinreich, Labov and Herzog (1968), namely : why does the change occur here and now rather than elsewhere and/or at another time?
A full picture of the rhotic ecosystem’s evolution since the last quarter of the 19th century is established by combining data from two large geolinguistic corpora of Laurentian French : the interviews from the Atlas linguistique de l’Est du Canada (Dulong and Bergeron, 1980) and those from PFC-Québec (Côté, 2014 ; Côté and Saint- Amant Lamy, forthcoming). An acoustic analysis of more than 13,000 vowels makes it possible to establish the chronology of changes, to model their spatial distribution, and to explore their conditioning by various linguistic factors (type of word-final
/R/, lexical frequency, degree of diphthongization, segmental environment, etc.).
Results provide support for the hypothesis that rhotacization of prerhotic vowels is an indirect effect of the introduction of dorsal [K] in Western Quebec. This mech- anism suggests a more general solution to the actuation problem, namely that the advent of free allophonic variation in a linguistic community creates fertile ground for the onset of sound changes, especially if new allophones are the object of intra- individual variation. Other phenomena, such as the neutralization of the two series
of mid vowels and the adoption of the [w>6] variant for the diphthong -oi, appear
to be the result of the resumption of contacts between France and Quebec in the mid-19th century, and the normative changes that ensued. Finally, it seems that the neutralization of /a/–/6/ and that of /O/–/6/ are the consequences of internal systemic developments (reanalysis of diphthongization as the main quantity feature among prerhotic vowels and constraints arising from the production of rhotaciza- tion, respectively). These findings underline the interdependent nature of the sound system’s components and the importance of a comprehensive approach integrating phonology, acoustics, sociolinguistics and corpus linguistics.
Un portrait riche de l’évolution de l’écosystème rhotique depuis le dernier quart du 19e siècle est élaboré par la combinaison des données de deux grands corpus géolinguistiques laurentiens : les entrevues de l’Atlas linguistique de l’Est du Canada (Dulong et Bergeron, 1980) et celles de PFC-Québec (Côté, 2014 ; Côté et Saint-Amant Lamy, à paraître). L’analyse acoustique de plus de 13 000 voyelles permet d’établir la chronologie des changements, de modéliser leur diffusion spatiale et d’explorer leur conditionnement par différents facteurs linguistiques (réalisation du /R/ en coda, fréquence lexicale, degré de diphtongaison, environnement segmental, etc.).
Les résultats soutiennent l’hypothèse selon laquelle la rhotacisation des voyelles prérhotiques serait un effet indirect de l’introduction du [K] dorsal dans l’Ouest du Québec. Ce mécanisme suggère une solution plus générale au problème de l’initia- tion, soit que la propagation d’un nouvel allophone libre dans une communauté lin- guistique entraîne une situation propice à l’apparition de changements phoniques, en particulier si cet allophone fait l’objet de variation intra-individuelle. D’autres chan- gements, comme la neutralisation des deux séries de voyelles moyennes et l’adoption
de la variante [w>6] de la diphtongue -oi s’avèrent être le résultat de la reprise des
contacts entre la France et le Québec au milieu du 19e siècle et du changement normatif qui en découle. Enfin, il semble que la neutralisation de /a/–/6/ et celle de /O/–/6/ soient les conséquences de dynamiques systémiques internes (réana- lyse de la diphtongaison comme trait de quantité parmi les voyelles prérhotiques et contraintes imposées par la production des timbres rhotacisés, respectivement). Ces constats soulignent le caractère interdépendant des éléments du système phonique et l’importance d’une approche globale intégrant phonologie, acoustique, sociolin- guistique et linguistique de corpus.
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Over the last century and a half, the rhotic consonant of Laurentian French has undergone major transformations, as have the vowels that precede it in word-final closed syllables. First, the apical variant of /R/, historically used in Western Que- bec, has been gradually replaced by a dorsal /R/. Second, the traditional prerhotic inventory, consisting of 12 vowels (/i y u e ø o 3 œ O a 6 w3/; e.g. mire, sûr, four, père, beurre, encore, vert, fleur, port, gare, char, noir), has been downsized to seven in the speech of young/innovative speakers (/i y u 3 œ O w6/). Third, all prerhotic vowels have undergone a process of rhotacisation. This thesis presents a comprehensive and integrated analysis of these phenomena, aiming at outlining the pathways to their emergence. The findings provide some valuable answers to the actuation problem formulated by Weinreich, Labov and Herzog (1968), namely : why does the change occur here and now rather than elsewhere and/or at another time?
A full picture of the rhotic ecosystem’s evolution since the last quarter of the 19th century is established by combining data from two large geolinguistic corpora of Laurentian French : the interviews from the Atlas linguistique de l’Est du Canada (Dulong and Bergeron, 1980) and those from PFC-Québec (Côté, 2014 ; Côté and Saint- Amant Lamy, forthcoming). An acoustic analysis of more than 13,000 vowels makes it possible to establish the chronology of changes, to model their spatial distribution, and to explore their conditioning by various linguistic factors (type of word-final
/R/, lexical frequency, degree of diphthongization, segmental environment, etc.).
Results provide support for the hypothesis that rhotacization of prerhotic vowels is an indirect effect of the introduction of dorsal [K] in Western Quebec. This mech- anism suggests a more general solution to the actuation problem, namely that the advent of free allophonic variation in a linguistic community creates fertile ground for the onset of sound changes, especially if new allophones are the object of intra- individual variation. Other phenomena, such as the neutralization of the two series
of mid vowels and the adoption of the [w>6] variant for the diphthong -oi, appear
to be the result of the resumption of contacts between France and Quebec in the mid-19th century, and the normative changes that ensued. Finally, it seems that the neutralization of /a/–/6/ and that of /O/–/6/ are the consequences of internal systemic developments (reanalysis of diphthongization as the main quantity feature among prerhotic vowels and constraints arising from the production of rhotaciza- tion, respectively). These findings underline the interdependent nature of the sound system’s components and the importance of a comprehensive approach integrating phonology, acoustics, sociolinguistics and corpus linguistics.
Création de la notice
19/01/2023 11:04
Dernière modification de la notice
25/01/2023 7:14