Polyphonie et composition épique chez Quintus de Smyrne
Détails
ID Serval
serval:BIB_B70684472AF4
Type
Thèse: thèse de doctorat.
Collection
Publications
Institution
Titre
Polyphonie et composition épique chez Quintus de Smyrne
Directeur⸱rice⸱s
Bouvier David
Détails de l'institution
Université de Lausanne, Faculté des lettres
Statut éditorial
Acceptée
Date de publication
2024
Langue
français
Résumé
Quintus est un poète épique du me siècle de notre ère, qui compose une épopée, les Posthomériques, comblant le vide narratif laissé entre l'Iliade et l'Odyssée. S'inspirant des poèmes du cycle épique, des tragédies et de la poésie lyrique, Quintus repense les logiques traditionnelles de l'écriture épique. Ma thèse s'intéresse en particulier à la circulation des voix et à la manière dont les discours permettent à l'auteur de composer une épopée d'un nouveau genre. Le nombre de discours dans les Posthomériques est considérablement réduit en comparaison des poèmes homériques ; il en résulte que la forme même de l'épopée se modifie. Les discours constituent l'outil narratologique par lequel j'ai mesuré non pas l'imitation d'Homère à laquelle Quintus se serait adonné, mais au contraire les ruptures qu'il a opérées.
Tout d'abord, Quintus refonde l'image du panthéon homérique. Dans l'Iliade principalement, les dieux sont très présents dans le monde des humains ; ils dialoguent entre eux et avec les hommes (directement ou par le biais de messagers). Zeus est la divinité centrale de ce réseau polythéiste très dynamique. Quintus retravaille en profondeur le réseau des communications divines dans les Posthomériques. Les dialogues divins sont réduits, ce qui invite à s'intéresser aux paroles prononcées. Aucun dieu n'a l'avantage ; les déesses cependant semblent profiter de l'absence de Zeus pour s’exprimer : émergent notamment les voix d'Athéna et de Thémis. Mais la parole chez les dieux ne confère pas le pouvoir : l'action poursuit son cours sans que les prédictions d'Héra bu de Thémis ne se réalisent. C'est alors Aphrodite, divinité silencieuse mais omnipotente, qui irradie le poème de sa présence. Elle s'impose par ses actions et ses décisions, le tout sans jamais prononcer un seul mot dans les Posthomériques. Le rapport entre voix et action est ainsi mis en question.
Le réseau divin posthomérique fait apparaître des dieux qui s'isolent de plus en plus et qui ne communiquent pas au niveau intra-diégétique. Ce dernier point autorise alors à interroger la place de la Muse, divinité extra-diégétique inspiratrice de l'ensemble de l'œuvre dans la tradition épique. Encore une fois, Quintus se démarque de tous ses modèles, et même des auteurs épiques postérieurs : il n'invoque pas la Muse au début de son œuvre. Il diffère son invocation dans la dernière partie de son œuvre, et en appelle aux Muses pour énumérer en catalogue les guerriers qui sont montés dans le cheval de Troie, soit en un moment topique et charnière. Par l'absence d'invocation initiale, différée à la fin de l'œuvre, Quintus affirme son indépendance vis-à-vis de la Muse et revendique ainsi une forme d'art poétique, tout en faisant de la Muse un personnage intra-diégétique.
C'est ce qui m'a amenée à travailler en dernier lieu sur les paroles féminines, à commencer par les divinités qui parlent dans les Posthomériques comme les femmes. Calliope, Éos et Thétis forment un triptyque de personnages divins dont les paroles sont similaires à celles des mortelles. À cela s'ajoute l'étude des voix féminines plus isolées, issues de sources variées, tragiques et lyriques notamment : c'est le cas des personnages de Cassandre ou encore de Déidamie. Enfin, les paroles de trois femmes sont étudiées dans la dynamique des échanges verbaux avec un homme de l'épopée : Quintus dessine, à travers les images esquissées des couples, un cheminement moral dans son écriture, ce qui tend à confirmer que la manière de composer une épopée a changé, prenant ancrage dans le contexte de l'écriture et se nourrissant de sources littéraires et philosophiques variées.
Tout d'abord, Quintus refonde l'image du panthéon homérique. Dans l'Iliade principalement, les dieux sont très présents dans le monde des humains ; ils dialoguent entre eux et avec les hommes (directement ou par le biais de messagers). Zeus est la divinité centrale de ce réseau polythéiste très dynamique. Quintus retravaille en profondeur le réseau des communications divines dans les Posthomériques. Les dialogues divins sont réduits, ce qui invite à s'intéresser aux paroles prononcées. Aucun dieu n'a l'avantage ; les déesses cependant semblent profiter de l'absence de Zeus pour s’exprimer : émergent notamment les voix d'Athéna et de Thémis. Mais la parole chez les dieux ne confère pas le pouvoir : l'action poursuit son cours sans que les prédictions d'Héra bu de Thémis ne se réalisent. C'est alors Aphrodite, divinité silencieuse mais omnipotente, qui irradie le poème de sa présence. Elle s'impose par ses actions et ses décisions, le tout sans jamais prononcer un seul mot dans les Posthomériques. Le rapport entre voix et action est ainsi mis en question.
Le réseau divin posthomérique fait apparaître des dieux qui s'isolent de plus en plus et qui ne communiquent pas au niveau intra-diégétique. Ce dernier point autorise alors à interroger la place de la Muse, divinité extra-diégétique inspiratrice de l'ensemble de l'œuvre dans la tradition épique. Encore une fois, Quintus se démarque de tous ses modèles, et même des auteurs épiques postérieurs : il n'invoque pas la Muse au début de son œuvre. Il diffère son invocation dans la dernière partie de son œuvre, et en appelle aux Muses pour énumérer en catalogue les guerriers qui sont montés dans le cheval de Troie, soit en un moment topique et charnière. Par l'absence d'invocation initiale, différée à la fin de l'œuvre, Quintus affirme son indépendance vis-à-vis de la Muse et revendique ainsi une forme d'art poétique, tout en faisant de la Muse un personnage intra-diégétique.
C'est ce qui m'a amenée à travailler en dernier lieu sur les paroles féminines, à commencer par les divinités qui parlent dans les Posthomériques comme les femmes. Calliope, Éos et Thétis forment un triptyque de personnages divins dont les paroles sont similaires à celles des mortelles. À cela s'ajoute l'étude des voix féminines plus isolées, issues de sources variées, tragiques et lyriques notamment : c'est le cas des personnages de Cassandre ou encore de Déidamie. Enfin, les paroles de trois femmes sont étudiées dans la dynamique des échanges verbaux avec un homme de l'épopée : Quintus dessine, à travers les images esquissées des couples, un cheminement moral dans son écriture, ce qui tend à confirmer que la manière de composer une épopée a changé, prenant ancrage dans le contexte de l'écriture et se nourrissant de sources littéraires et philosophiques variées.
Création de la notice
11/09/2024 15:32
Dernière modification de la notice
19/09/2024 6:14