Des Dieux et des Hommes : approches de la maladie en Afrique et en Europe / Of Gods and Men: Crossed Analysis on Medicine in Europe and Africa

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serval:BIB_B704AB75A44F
Type
Article: article d'un périodique ou d'un magazine.
Collection
Publications
Titre
Des Dieux et des Hommes : approches de la maladie en Afrique et en Europe / Of Gods and Men: Crossed Analysis on Medicine in Europe and Africa
Périodique
E-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie
Auteur⸱e⸱s
Reinberg O.
Statut éditorial
Publié
Date de publication
2014
Peer-reviewed
Oui
Volume
13
Numéro
4
Pages
75-84
Langue
français
Notes
Disponible en ligne sur www.acad-chirurgie.fr
Résumé
We go and care for patients - children in my concern - and to teach our medicine in the generous belief that we shall bring a cure according to our referential system of health, without regard to the local meanings of diseases, trauma and malformations. We are under the illusion that we help them. Our aim is to show how important is the understanding of how those cultural societies consider diseases and death in order to avoid mistakes.
At first occidental medicine was a related to fate and punishment. Jean Fernel (1567) first distinguished between disorder as a disease from disorder as a symptom denying that it could be a god's will. Then it became a disturbance of the body that a physician will try to understand and cure. However simultaneously as medical advances increase more people turn towards alternative medicines.
In the animist societies the patients bear some responsibilities for their troubles: a disease expresses a disturbance either towards the society or of the society itself. Disease is not a personal concern but a collective one and its management is multimodal. Medical care is only a link of the chain to the process of recovery.
It is the same for malformations. They can be beneficial in another cultural referential and some knowledge of the local cosmogonies may help their understanding. The pantheon of sub-Saharan Africa is close to the Greeks' one, with similar gods and similar symbols. Some children bearing malformations are god's messengers as are Hermes or Isis. Their messages are interpreted by someone of knowledge, then revealed to the community and their fates are decided. For example, the god Tohossou " King of Waters" send to men children with polydactylism. Each of the Abomey's kings had one or several of these malformated messengers. Temples have been built for them. Kpelou, a son of King Agadja, had twenty fingers and was able to predict the future. Imagine what mess could result from the resection of theses fingers by a surgeon unaware of the local beliefs.
Umbilical hernia is far more frequent in Africa than in Europe as evidenced by the African statuary. It is regarded as a fertility symbol ("the third sex"). To cure an umbilical hernia can be considered as a castration in some communities. It is better to know it !
We must also be careful with what we teach. We find on local markets objects looking like rubber pears. Few westerners know their use. They are very efficient enema syringes and most mothers use them in infants. Trying to teach African mothers how to perform an enema for a Hirschsprung's disease makes them laugh. They do that better than us or than the European mothers.
These few examples aim to convince to make inquiries after the pattern of thought that other cultures have towards diseases, malformations and accidents. I have seen too many westerners full of their medical knowledge but ignoring the local cultures, making mistakes and being the laughing stock of local populations. Therefore, their messages -besides that excellent- were not credible. It seems wise to inquire with humility about the local beliefs and cultures of the countries we are visiting, as their expectations are not necessarily ours.
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Nous allons soigner des patients - des enfants en ce qui me concerne - et enseigner notre médecine, dans l'idée généreuse d’apporter une guérison bienfaisante selon notre système de référence culturelle, sans nous enquérir auparavant de la représentation de la maladie, des traumatismes et des malformations des populations que nous pensons aider. Une bonne compréhension du regard que les autres sociétés portent sur la maladie et la mort est indispensable pour aider les patients et éviter des erreurs.
La médecine occidentale a d’abord été une médecine de la fatalité. Il faut attendre Jean Fernel (1567) pour distinguer l’affection « maladie » de l’affection « symptôme » et que la maladie commence à ne plus être considérée comme une punition divine. Elle devient l’expression d’un désordre du corps que le médecin tente de réparer. Cependant parallèlement aux progrès de cette médecine, on assiste à un recours grandissant aux médecines alternatives.
Dans les sociétés animistes, le patient a toujours une part de responsabilité dans ce qui l’affecte: soit il n’a pas identifié celui qu’il a offensé et ne peut donc combattre sa maladie, soit il s’adresse à une instance de guérison moins puissante que celle qui agit contre lui. La médecine n’est qu’un maillon de la chaîne de guérison.
Il en va de même des malformations qui peuvent être bénéfiques dans un autre référentiel culturel. Il est important pour cela de connaitre les cosmogonies locales : le panthéon de l’Afrique sub-tropicale est très proche du panthéon grec : les mêmes dieux avec les mêmes symboles. Certains enfants porteurs de malformations sont les messagers des dieux comme le sont Hermès ou Isis. On interprète le message, le délivre à la société et décide du sort de l’enfant malformé. Ainsi le Dieu Tohossou, « Le Roi des eaux », envoie aux hommes des enfants malformés avec des polydactylies. Chaque roi d'Abomey a eu un ou plusieurs de ces messagers pour lesquels on a construit des temples. Kpélou, fils du roi Agadja avait vingt doigts et prédisait l'avenir. Imaginez le gâchis si un chirurgien venait et décidait de réséquer les doigts surnuméraires !!
La hernie ombilicale est beaucoup plus fréquente en Afrique qu’en Europe. Il n’y a qu’à voir la statuaire africaine. Elle est considérée comme un signe de fertilité (« le troisième sexe »). Faire une cure d’hernie ombilicale dans certaines sociétés équivaut à une castration !! Mieux vaut le savoir.
Il faut également porter un regard critique sur ce que l’on enseigne : on trouve sur les marchés africains des « poires ». Peu d’occidentaux savent les reconnaître. Ce sont des poires à lavement très rudimentaires, mais très efficaces. Le lavement des petits enfants est pratiqué par toutes les mères. Aller expliquer comment on fait un lavement à un enfant porteur de maladie de Hirschsprung fait bien rire les mamans. Elles savent faire cela mieux que nous et que les mamans européennes.
Ces quelques exemples ont pour but de nous convaincre de l’intérêt qu’il y a à s’enquérir du mode de pensée et du regard que les autres cultures portent sur les maladies et les malformations. J’ai vu trop d’occidentaux imbus de notre connaissance médicale, inconscients du savoir et des cultures locales, commettre des erreurs et ne pas se rendre compte qu’ils étaient la risée des locaux. Leurs messages – par ailleurs excellents - n’étaient de ce fait pas crédibles. Il me semble donc souhaitable de se pencher avec humilité sur les croyances et les cultures des régions que nous visitons, car leurs attentes ne sont pas forcément les nôtres.
Mots-clé
Medical anthopology, Traditional medicine, Culture, Myths, Beliefs
Création de la notice
17/12/2014 20:27
Dernière modification de la notice
20/07/2020 9:10
Données d'usage