Dans ma thèse, rédigée en anglais, je m'intéresse principalement à deux questions : la première concerne la possibilité d'adopter des outils propres à la théorie de l'information pour établir ce qui existe et ce qui n'existe pas ; la deuxième question, plus métaphysique, consiste à interroger la nature de l'information : qu'est que c'est au fond que l'information, comment est-ce que ça peut exister indépendamment de nous, et quelles conditions doivent être satisfaites dans le monde physique pour que l'information puisse exister. J'ai en premier lieu essayé d'évaluer les mérites d'une approche générale de l'ontologie, qui ne serait donc pas liée à une science spéciale. Cette approche s'appuie sur la théorie computationnelle de l'information, développée par Claude Shannon en 1948 dans « A mathematical theory of communication », une étude sur la transmission de messages et la compression de données. C'est Daniel Dennett qui, en 1991, a souligné en premier l'utilité de la théorie de l'information pour l'ontologie. Dans cette perspective, Dennett propose, dans son article « Real Pattems », qu'exister c'est être un real pattern. En Français la traduction la plus proche du terme ça serait « trame réelle ». Mais que signifie « être une trame réelle » ? Un pattern existe pour Dennett s'il y a une façon efficace de comprimer un système de données. La plupart des systèmes de données auxquels on fait face dans les sciences qui utilisent des méthodes computationnelles, donc la grande majorité, présentent à la fois des trames et du bruit. La question se pose donc maintenant de trouver un critère pour distinguer dans toutes les trames qu'on peut trouver dans un système de données celles qui peuvent être considérées comme des trames réelles, des real patterns. Ici, le critère proposé par Dennett n'est pas satisfaisant selon moi, car il repose sur l'utilité d'une trame pour un agent. On peut bien dire que ce qui est réel est utile pour nos prédictions, mais il est difficile de voir comment nos préférences peuvent avoir un rôle pour distinguer ce qui existe de ce qui n'existe pas. Cette problématique constitue ainsi l'un des points centraux de ma thèse ; après un survol des principaux développements de la théorie de Dennett dans les débats contemporains, notamment dans les ouvrages de David Wallace, James Ladyman et Don Ross, je propose trois critiques contre cette théorie, que je nomme l'objection de Copenhague, l'objection relativiste et l'objection idéaliste.
Dans la suite de ma thèse, j'essaye définir des conditions nécessaires et suffisantes pour que l'information puisse exister, et je propose que l'information soit une propriété dispositionnelle d'un système physique. Je m'intéresse enfin à la notion de dépendance dynamique entre systèmes physiques. Cette relation est censée unifier deux autres relations étudiées en métaphysique, la relation de dépendance ontologique et la relation de causalité. Je postule dans ma recherche que ces deux relations ont quelque chose en commun, c'est-à- dire que les deux révèlent une corrélation entre les dynamiques des deux systèmes physiques. Je soutiens donc que, à partir de l'existence de corrélations stables entre le changement de deux systèmes physiques, on peut inférer l'existence de dépendances dynamiques.
Les principales positions que j'avance dans mon travail nous fournissent un système cohérent pour rendre compte du monde physique tel qu'il est étudié par les sciences à travers la théorie de l'information. Ce qui existe, ce sont des structures de dépendances dynamiques entre systèmes physiques situées à plusieurs échelles. Chaque système physique contient de l'information en tant que propriété dispositionnelle, qui se manifeste comme trame dans des donnés quand le système physique en question est couplé à un système capable de collecter et d'utiliser de l'information.