Face à un corpus conséquent et encore non exploité comme tel par la critique dont l’intitulé (en titre ou en sous-titre) « Scènes de » est systématique au XIXe siècle (Scènes de la vie parisienne, Scènes de la vie intime, Scènes populaires, Scènes de la vie réelle, etc.), je défends la double hypothèse qu’il signale à la fois un genre — à tout le moins une pratique — littéraire d’une part et qu’il revendique d’autre part une forme idéale de modernité. La première partie de la thèse se consacre à l’analyse de la scène dans le journal, véritable laboratoire en la matière, et met en exergue les analogies avec le mode dramatique et le dessin de presse, la caricature surtout. Un accent est par ailleurs mis sur la singulière plasticité dont fait preuve la scène, qui circule d’un art à l’art et qui emprunte aux pratiques qui lui sont proches, comme le croquis, l’esquisse ou encore la peinture de genre, certains traits caractéristiques. La seconde partie aborde plus frontalement le cas de la scène dans le livre. Après l’établissement d’un corpus inédit constitué de romans et de recueils et contenant un peu plus de six cents titres, une étude particulière a été menée sur l’entreprise éditoriale des scènes et sur le discours critique de l’époque pour identifier et qualifier ce genre.
Le but de la thèse a ainsi été de travailler en historienne de la littérature afin de montrer par quelles opérations et par quels gestes la scène participe au fait littéraire, en étudiant cette dernière au travers de ses différentes formes (générique, narrative, éditoriale) et dans une perspective interactionnelle (presse, théâtre et peinture notamment). Elle a plus précisément consisté à se demander quels sont les acteurs qui entreprennent d’en faire un genre ; quelles sont les modalités formelles et structurelles qui permettent au genre d’exister ; quelles sont les conditions de publication et les enjeux de la réception ; quels sont les usages de la scène ; qu’est-ce qui, encore, légitime la parution de telle ou telle scène et, enfin, quels sont les facteurs socio-historiques et esthétiques qui assurent le fonctionnement de la pratique à l’intérieur d’un système pluri-artistique et pluri-génétique. Par conséquent, l’approche choisie pour ce travail est plus fonctionnelle que générique, dans la mesure où il pose la question du genre à partir des pratiques : la scène est envisagée comme un instrument archétypal permettant d’interroger les actions des contemporains sur l’art et sur la littérature.