Les relations d'échange au sein de schémas de paiements pour services hydriques : encastrements socioéconomiques, justifications morales et implications sociopolitiques. Ethnographie des « Acuerdos Recíprocos por el Agua » (Bolivie orientale) au prisme des notions de réciprocité et de reconnaissance.
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ID Serval
serval:BIB_8A3F14A467DA
Type
Thèse: thèse de doctorat.
Collection
Publications
Institution
Titre
Les relations d'échange au sein de schémas de paiements pour services hydriques : encastrements socioéconomiques, justifications morales et implications sociopolitiques. Ethnographie des « Acuerdos Recíprocos por el Agua » (Bolivie orientale) au prisme des notions de réciprocité et de reconnaissance.
Directeur⸱rice⸱s
Mager C.
Détails de l'institution
Université de Lausanne, Faculté des géosciences et de l'environnement
Statut éditorial
Acceptée
Date de publication
09/2016
Langue
français
Résumé
Notre thèse porte sur un schéma de paiements pour services hydriques (PSH) appelé « Acuerdos Recíprocos por el Agua » (ARA), développé dans la zone orientale de la Bolivie, à l'initiative de l'ONG Natura Bolivia, dans un contexte national, régional et local en mutation. Cette recherche interroge les justifications de l'adoption des ARA, les types de relations d'échanges qui en découlent, ainsi que les implications sociopolitiques de leur mise en oeuvre.
Nous montrons, tout d'abord, que les paiements pour services environnementaux (PSE) - instruments contemporains de gestion des ressources naturelles dont sont issus les PSH - ont été largement interprétés comme une réponse strictement néolibérale à la nécessité d'assurer une gestion durable et juste des ressources naturelles. Facilitant l'accès aux marchés, à la redistribution des ressources financières et à la formalisation des droits fonciers pour les individus et les groupes marginalisés, les PSE permettraient d'assurer les conditions d'équité et de justice sociale en sus d'une gestion plus efficiente des ressources. Leurs détracteurs considèrent au contraire cette « marchandisation » comme un vecteur de domination à la fois des pauvres et de la nature, évinçant (crowding out) toutes considérations morales, et régulations autres que marchandes - qu'elles s'appliquent à la nature ou aux rapports entre les partenaires de l'échange de services environnementaux. Concevant l'économie, à l'instar de K. Polanyi, comme un « processus institutionnalisé », encastré dans des institutions et des normes sociales spécifiques, nous faisons d'abord la double hypothèse : d'une éviction non systématique des régulations non marchandes et d'une articulation - au travers des PSH - des principes économiques idéaux typiques polanyiens (réciprocité, redistribution et échange marchand). Suivant une démarche abductive monopolisant divers outils méthodologiques qualitatifs, nous établissons que les ARA ne font pas abstraction des logiques organisationnelles « populaires » réciprocitaires et redistributives, ajustant au contexte local un objet global. Privilégiant une vision critique des institutions, nous attestons que ces PSH relèvent d'un « bricolage institutionnel » (Cleaver, 2012), à la fois lié aux capacités créatrices des acteurs locaux et à leurs représentations et se déroulant parfois au-delà de la sphère cognitive.
Nous témoignons également du fait que la « reconnaissance » constitue l'un des registres de justification de l'adhésion aux ARA, exprimé par certains prestataires de services. Les ARA impliquent, en effet, une relation de reconnaissance, qui se déploie selon des modalités à la fois discursives et pratiques. Or, l'analyse critique de cette reconnaissance attire l'attention sur la sensibilité des dispositifs PSH aux structures de pouvoir. Les ARA oscillent, manifestement, entre un potentiel émancipateur, par le biais de la création de nouveaux canaux de reconnaissance transformant les structures de pouvoir, et un risque de subordination, par l'intermédiaire de la création de canaux de reconnaissance précaires ou basés sur des structures de pouvoir (nouvelles ou préexistantes) fortement excluantes. Cette analyse par la reconnaissance permet d'aller au-delà des interprétations classiques des implications sociopolitiques des PSH en termes d'accès et de participation, de droits, et de redistribution des bénéfices. Elle permet aussi de rendre visible la complexité, l'ambiguïté et les risques de subordination liés à de tels dispositifs. Il s'agit là d'un préalable à la conception d'initiatives réellement susceptibles d'accroître les conditions de justice sociale de populations marginalisées. Nous posons que cet appareillage conceptuel gagne à être appliqué au-delà des dispositifs PSH/PSE et dans d'autres contextes géographiques et en appelons, enfin, au recours aux théories récentes issues du tournant émotionnel en sciences sociales, afin d'élargir encore le champ d'application de la reconnaissance et de donner une nouvelle focale aux pratiques de recherche, que nous interrogeons - dans un souci de symétrie - au regard, notamment, des concepts de réciprocité et de reconnaissance.
Nous montrons, tout d'abord, que les paiements pour services environnementaux (PSE) - instruments contemporains de gestion des ressources naturelles dont sont issus les PSH - ont été largement interprétés comme une réponse strictement néolibérale à la nécessité d'assurer une gestion durable et juste des ressources naturelles. Facilitant l'accès aux marchés, à la redistribution des ressources financières et à la formalisation des droits fonciers pour les individus et les groupes marginalisés, les PSE permettraient d'assurer les conditions d'équité et de justice sociale en sus d'une gestion plus efficiente des ressources. Leurs détracteurs considèrent au contraire cette « marchandisation » comme un vecteur de domination à la fois des pauvres et de la nature, évinçant (crowding out) toutes considérations morales, et régulations autres que marchandes - qu'elles s'appliquent à la nature ou aux rapports entre les partenaires de l'échange de services environnementaux. Concevant l'économie, à l'instar de K. Polanyi, comme un « processus institutionnalisé », encastré dans des institutions et des normes sociales spécifiques, nous faisons d'abord la double hypothèse : d'une éviction non systématique des régulations non marchandes et d'une articulation - au travers des PSH - des principes économiques idéaux typiques polanyiens (réciprocité, redistribution et échange marchand). Suivant une démarche abductive monopolisant divers outils méthodologiques qualitatifs, nous établissons que les ARA ne font pas abstraction des logiques organisationnelles « populaires » réciprocitaires et redistributives, ajustant au contexte local un objet global. Privilégiant une vision critique des institutions, nous attestons que ces PSH relèvent d'un « bricolage institutionnel » (Cleaver, 2012), à la fois lié aux capacités créatrices des acteurs locaux et à leurs représentations et se déroulant parfois au-delà de la sphère cognitive.
Nous témoignons également du fait que la « reconnaissance » constitue l'un des registres de justification de l'adhésion aux ARA, exprimé par certains prestataires de services. Les ARA impliquent, en effet, une relation de reconnaissance, qui se déploie selon des modalités à la fois discursives et pratiques. Or, l'analyse critique de cette reconnaissance attire l'attention sur la sensibilité des dispositifs PSH aux structures de pouvoir. Les ARA oscillent, manifestement, entre un potentiel émancipateur, par le biais de la création de nouveaux canaux de reconnaissance transformant les structures de pouvoir, et un risque de subordination, par l'intermédiaire de la création de canaux de reconnaissance précaires ou basés sur des structures de pouvoir (nouvelles ou préexistantes) fortement excluantes. Cette analyse par la reconnaissance permet d'aller au-delà des interprétations classiques des implications sociopolitiques des PSH en termes d'accès et de participation, de droits, et de redistribution des bénéfices. Elle permet aussi de rendre visible la complexité, l'ambiguïté et les risques de subordination liés à de tels dispositifs. Il s'agit là d'un préalable à la conception d'initiatives réellement susceptibles d'accroître les conditions de justice sociale de populations marginalisées. Nous posons que cet appareillage conceptuel gagne à être appliqué au-delà des dispositifs PSH/PSE et dans d'autres contextes géographiques et en appelons, enfin, au recours aux théories récentes issues du tournant émotionnel en sciences sociales, afin d'élargir encore le champ d'application de la reconnaissance et de donner une nouvelle focale aux pratiques de recherche, que nous interrogeons - dans un souci de symétrie - au regard, notamment, des concepts de réciprocité et de reconnaissance.
Mots-clé
Paiements pour Services Hydriques, bricolage institutionnel, Polanyi, réciprocité, justice sociale, reconnaissance, Bolivie
Création de la notice
14/02/2014 12:24
Dernière modification de la notice
22/03/2024 8:24