L'article interroge les images des Alpes dans les ouvrages viatiques au tournant des XVIIIe-XIXe siècles, à la lumière du réchauffement climatique et des menaces pesant sur les Alpes. Il concentre l'attention sur quelques images tirées des "Tableaux … de la Suisse" de Laborde et Zurlauben (1780-1788) et du "Voyage pittoresque de l’Oberland bernois" de Gabriel Lory (1822). Il montre une opposition entre le "paysage spectacle" et le "paysage alvéolaire". Cette opposition agit : 1) sur le plan cognitif par le privilège conféré à la vue, sens intellectuel sensé garantir une intellection plus riche et plus complète; 2) sur le plan sociologique (élites urbaines s'appropriant le monde par la vue versus petit peuple local adhérant au territoire par tous les sens, entretenant avec le paysage un rapport non médiatisé par des représentations; 3) sur l'histoire du tourisme qu'elle marque de manière indélébile à son origine. Ces oppositions sont encore agissantes dans le monde contemporain et dans les images des Alpes qui y sont produites. Elles sont présentes dans les photographies vernaculaires, dans les visuels touristiques, dans les images artistiques même. Ces dernières font apparaître dans notre perception du paysage alpin les valeurs à la fois opposées et liées de l'élégiaque et du tragique, de la splendeur et de la finitude.