Exploration des opinions et expériences des jeunes quant aux jeux en ligne, achats intégrés, et jeux d’argent et de hasard

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Etat: Public
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Licence: Non spécifiée
ID Serval
serval:BIB_7C1E27B78FD6
Type
Rapport: document publié par une institution, habituellement élément d'une série.
Collection
Publications
Institution
Titre
Exploration des opinions et expériences des jeunes quant aux jeux en ligne, achats intégrés, et jeux d’argent et de hasard
Auteur⸱e⸱s
Chok Lorraine, Suris Joan-Carles, Barrense-Dias Yara
Détails de l'institution
Centre universitaire de médecine générale et santé publique (Unisanté)
ISSN
1660-7104
Date de publication
17/12/2021
Numéro
326
Genre
[Raisons de santé ; 326]
Langue
français
Nombre de pages
66
Résumé
Les jeux d’argent et de hasard sont devenus une forme populaire de divertissement pour les jeunes. L’initiation aux jeux d’argent peut se faire par basculement progressif entre le gaming et le gambling, c’est-à-dire entre les jeux sur console, tablette, PC ou encore téléphone, et les jeux d’argent. Par exemple, une étude récente a démontré que l’usage et l’achat excessifs de loot boxes, ou coffres à butin dont le contenu n’est pas connu à l’avance, était associé au jeu d’argent problématique. Les auteur·es de cette étude parlent, notamment, de « gamblification des jeux vidéo ». Une autre étude a également démontré que les microtransaction, ou achats intégrés, de ce type facilitaient et même prédisaient une transition à des jeux d’argent. Certain·es auteurs parlent également de porte d’entrée (gateway en anglais) pour expliquer cette transition entre jeux en ligne offrant la possibilité d’effectuer des microtransactions et jeux d’argent et de hasard.
Les objectifs principaux de cette recherche exploratoire qualitative sont
(1) d’explorer la manière dont les jeunes définissent les jeux en ligne (jeux d’argent et de hasard versus jeux avec possibilités de microtransactions, autres) ; (2) de comprendre la ou les raisons qui poussent un·e jeune à dépenser de l’argent réel pour des microtransactions dans le cadre d’un jeu ; (3) de décrire l’effet qu’un tel achat produit sur le joueur ou la joueuse ; (4) d’explorer comment les jeunes paient ces transactions ; (5) d’explorer l’effet de la pandémie sur ces comportements.
Un total de 16 entretiens individuels (10 garçons et 6 filles) ont été menés entre juin 2021 et août 2021. La moyenne d’âge des participant·es était de 16.7 ans [14-20 ans], et les filles composaient 37.5% (n=6) de l’échantillon. En plus des entretiens individuels, nous avons, dans un second temps, mené des groupes focus (groupes de discussion) car nous souhaitions réunir des opinions générales sur ces thématiques, et approfondir certains aspects relevés lors des entretiens. La moyenne d’âge des participantes était de 17 ans [16-19 ans] et celle des participants, de 17.8 ans [17-19 ans]. Une grille d’entretien basée sur nos questions de recherche regroupait les principales thématiques à parcourir : (1) définition(s) des jeux ; (2) raison(s) d’effectuer des microtransactions ; (3) avantages et risques des microtransactions ; (4) COVID-19 ; (5) Facteurs protecteurs et aides possibles en cas de problèmes.
Les participant·es ont considéré que les jeux en ligne représentaient un réel divertissement et leur procuraient du plaisir. Le fait que les jeux en ligne permettent de construire, ou de maintenir des liens sociaux est particulièrement ressorti. Pour plusieurs joueur·ses, il n’existe pas de distinction nette entre la sphère des jeux en ligne et celle du réel. Les jeux semblent ainsi être plutôt un prolongement de leur vie sociale, et leur permettent de s’épanouir. Les jeux en ligne représentent aussi un espace où les joueur·ses peuvent vivre des émotions très intenses, et parfois plus encore que celles qui peuvent être ressenties en faisant d’autres activités. Certain·es jeunes rechercheraient également la liberté que permettent les jeux en ligne pour, notamment, être quelqu’un d’autre le temps du jeu, se comporter différemment et voir d’autres univers.
En ce qui concerne les microtransactions dans les jeux en ligne, plusieurs d’entre elles, telles que les skins ou les éléments cosmétiques, ont souvent été perçues comme étant inutiles, mais certain·es jeunes ont tout de même rapporté ressentir du plaisir à personnaliser leurs jeux. Une certaine pression sociale des pair·es serait ressentie par plusieurs jeunes quant à ces transactions et les pousserait alors à dépenser. Les influenceur·ses auraient également une place importante dans cette problématique. Certain·es jeunes ont dit aimer ne pas savoir ce qui se trouve à l’intérieur des loot boxes, ressentant une certaine excitation à leur ouverture. Au contraire, d’autres participant·es n’étaient pas du tout attiré·es par le hasard des loot boxes.
De manière générale, les jeunes n’aimaient pas les jeux initialement gratuits qui devenaient payants en cours de route (pour pouvoir continuer à jouer ou gagner). Certain·es jeunes ont notamment dit avoir l’impression que payer dans ces jeux s’apparentait à de la tricherie. De plus, plusieurs d’entre eux·elles ont considéré que lorsqu’un jeu requérait de telles transactions, alors ils·elles devraient en être mieux informé·es avant de le commencer. Globalement, les participant·es ont estimé être fréquemment et fortement incité·es à faire des achats dans les jeux en ligne, notamment par les mécanismes qui opèrent dans ces jeux. Même s’ils·elles ne souhaitaient pas faire d’achats et qu’ils·elles estimaient qu’il ne s’agissait que de marketing auquel ils·elles ne souhaitaient pas répondre, il apparaissait parfois difficile de résister à la tentation.
La majorité des participant·es ont considéré que les plus jeunes n’avaient pas de notion de la valeur de l’argent et devraient être davantage protégé·es vis-à-vis des achats intégrés dans les jeux en ligne. C’est ainsi que plusieurs d’entre eux·elles ont estimé qu’un âge minimum devait être instauré dans les jeux avec microtransactions, et qu’un meilleur contrôle de l’âge devait être opéré. Cette mesure irait dans le sens d’autres pays, tels que la Belgique qui a interdit l’achat des loot boxes aux mineur·es. En plus d’une faible notion de l’argent par les plus jeunes, les participant·es ont estimé qu’il était difficile, particulièrement pour les enfants, mais aussi les adolescent·es et parfois les adultes, de se rendre compte des sommes dépensées lorsque les transactions étaient opérées en ligne. En ce qui concerne les personnes majeures, plusieurs jeunes ont estimé que les conséquences dues aux transactions dans des jeux en ligne ou jeux d’argent étaient plus graves pour elles que pour les personnes mineures, en raison du risque d’endettement qu’elles pourraient provoquer.
Les jeunes ont souvent défini les jeux d’argent et de hasard comme étant des jeux dans lesquels il est nécessaire de dépenser de l’argent pour y jouer. Il est intéressant de constater que ce critère est celui qui se retrouve dans certains jeux du type Pay-to-Win. De plus, le fait que les loot boxes aient en premier lieu été définies par nos participant·es par le hasard, les rapproche des jeux d’argent et de hasard. Une autre caractéristique des jeux d’argent que nous avons retrouvée dans nos discussions sur les loot boxes est celle de gagner de l’argent. Certain·es jeunes nous ont, en effet, dit avoir l’impression de gagner de l’argent lorsqu’ils·elles achètaient une loot box et recevaient, par exemple, plusieurs éléments cosmétiques qui auraient coûté plus chers s’ils avaient été achetés séparément. L’apparence similaire, sonore et visuelle, des loot boxes et des jeux d’argent a également été soulevée. Plus globalement, plusieurs jeunes ont considéré que les jeux en ligne et les jeux d’argent avaient comme point commun d’être des loisirs et des divertissements. Ces différents témoignages démontrent que certains types de jeux en ligne, ainsi que les loot boxes, s’apparentent aux jeux d’argent et de hasard. Il se pourrait ainsi que les jeux en ligne soient une porte d’entrée vers les jeux d’argent, de par les caractéristiques qu’ils partagent. Certain·es jeunes arrivé·es à la majorité auraient, notamment, substitué les loot boxes par les jeux d’argent pour le hasard et l’excitation qu’ils engendrent.
Selon plusieurs jeunes, la publicité pour des achats intégrés et/ou jeux d’argent est trop présente, et, de plus, le fait que les mineur·es y aient accès serait problématique. Plusieurs jeunes ont considéré qu’elle devrait être bannie des espaces publicitaires et des réseaux sociaux, du moins pour les plus jeunes. Les paris sportifs ont particulièrement été cités comme exemple. Devenant de plus en plus populaires auprès de jeunes, les participant·es ont considéré que la publicité pour y jouer était omniprésente et n’adressait pas les risques qu’ils comportaient.
L’entourage, et plus particulièrement les parents tiendraient une place importante pour protéger les enfants et jeunes des risques qu’engendrent les jeux en ligne, transactions relatives ou jeux d’argent. Cependant, selon plusieurs participant·es, lorsqu’un·e jeune est confronté·e à un usage problématique des jeux, le déclic ne pourrait venir que de lui·elle-même.
Plusieurs recommandations peuvent être émises vis-à-vis de ces problématiques. Les joueur·ses doivent être informé·es des pièges cognitifs des jeux en ligne qui les incitent à faire des microtransactions. Face à ces thématiques, il est important de sensibiliser les parents, et plus généralement les adultes ne jouant pas aux jeux en ligne, et exerçant une figure d’autorité sur les enfants et les jeunes. Ces problématiques peuvent être spécifiquement adressées dans des interventions de prévention à l’école et sites de prévention pour toute personne intéressée. La place des influenceur·ses a été jusqu’alors sous-estimée. Si elle continue à croître, alors il se peut que nous n’ayons que peu de contrôle là-dessus. Il est d’autant plus important, pour contrer certains messages d’influenceur·ses, de fournir des informations complètes aux enfants, adolescent·es, mais aussi aux parents, et de transmettre des messages appropriés de prévention. Cependant, ces messages de prévention pourraient également passer par des influenceur·ses qui seraient sensibilisé·es à ces produits à risque et toucheraient un grand nombre de jeunes. La Suisse, dans sa législation et réglementation, peut s’inspirer des décisions qui ont été prises dans d’autres pays concernant les jeux Free to Play et les loot boxes.
Mots-clé
Jeux d'argent, jeux en ligne, jeux de hasard, achats intégrés, microtransactions, jeunes
Création de la notice
17/12/2021 10:52
Dernière modification de la notice
18/12/2021 8:10
Données d'usage