Malédiction des objets absents Explorations épistémiques, politiques et écologiques du mouvement transhumaniste par un chercheur embarqué
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ID Serval
serval:BIB_794277173DB7
Type
Thèse: thèse de doctorat.
Collection
Publications
Institution
Titre
Malédiction des objets absents Explorations épistémiques, politiques et écologiques du mouvement transhumaniste par un chercheur embarqué
Directeur⸱rice⸱s
BOURG Dominique
Codirecteur⸱rice⸱s
BENSAUDE-VlNCENT Bernadette
Détails de l'institution
Université de Lausanne, Faculté des géosciences et de l'environnement
Statut éditorial
Acceptée
Date de publication
2019
Langue
français
Résumé
Depuis une dizaine d’années, le transhumanisme fait l’objet d’une attention soutenue de la part de nombreuses disciplines de sciences humaines, des médias et de nombreux acteurs du débat public sur les technologies émergentes. Très polarisé et virulent, le débat surprend par deux oublis. D’une part, le transhumanisme est rarement présenté comme un mouvement d’idées structuré en associations par des militants, mais plutôt renvoyé de manière vague à des grandes puissances lointaines (Silicon Valley ou Asie du Sud-Est en particulier). D’autre part, les objets techniques, qui focalisent l’attention, y sont en même temps relégués au rôle de décor en fond de scène.
Cette recherche mobilise des perspectives croisées issues des STS, de la philosophie des techniques et des humanités environnementales, et est fondée sur une démarche de terrain de longue haleine au sein du mouvement transhumaniste, en particulier l’Association Française Transhumaniste. Elle présente une étude ethnographique approfondie du mouvement transhumaniste, en tant que défini, animé et habité par celles et ceux qui se disent et s’affichent transhumanistes.
Cette thèse est composée de quatre parties principales. D’abord, elle présente un historique du mouvement transhumaniste et de sa lente structuration, ainsi qu’une cartographie de ses multiples composantes. La définition du transhumanisme adoptée ici reste volontairement incertaine, tout en conservant une précision descriptive : il s’agit d’un mouvement réunissant des individus qui considèrent que l’humanité peut et doit s’améliorer grâce aux technologies émergentes, afin d’augmenter sa santé, sa longévité, ou ses capacités physiques et cognitives. Cette définition prend au sérieux le fait que des hommes et des femmes, depuis une bonne trentaine d’années, choisissent de s’investir dans un mouvement qui s’attire les foudres de nombreux critiques. Qui sont ces gens ? Que veulent-ils ? Quelles sont leurs motivations ? Dans ce sens, plusieurs controverses internes au mouvement sont étudiées, afin d’en comprendre les dynamiques internes.
Ensuite, des explorations épistémiques décrivent le type de savoir qui active la curiosité des transhumanistes, et montre que, bien plus que des ingénieurs prenant leurs rêves pour des réalités, les transhumanistes constituent une forme de public des promesses technoscientifiques qui irriguent le monde occidental. Dans cette perspective, je m’attarde sur le rapport que nouent les transhumanistes avec les objets techniques présents et futurs. Si les premiers sont souvent contrariants dans les pratiques quotidiennes, ils sont considérés avant tout comme des traces d’un futur à décrypter. Puis, des explorations politiques suivent les transhumanistes dans leurs activités quotidiennes de militants hésitants. J’y décris les efforts que les transhumanistes déploient pour être considérés comme des acteurs rationnels et respectables du débat public sur les technologies émergentes. J’y retrace également diverses initiatives d’organisation du mouvement en partis politiques, pour montrer à quel point l’insertion dans un débat social plus large et des contextes nationaux spécifiques fracture constamment un mouvement qui se veut universel. Enfin, des explorations écologiques ont deux enjeux : étudier la manière dont les transhumanistes répondent, rarement, aux enjeux environnementaux actuels ; et proposer une lecture centrée sur les objets (prothèses) de l’une des problématiques centrales du transhumanisme, l’augmentation humaine (human enhancement).
Cette recherche a l’ambition de montrer qu’il ne suffit pas de s’attacher aux seuls contenus normatifs du transhumanisme pour en formuler une critique féconde. Enquêter sur leurs énonciateurs et leurs conditions d’énonciation doit ainsi enrichir les perspectives, en accordant aux objets techniques émergents un peu plus d’attention, et en les désenclavant de leur statut de préfigurations du futur. Plutôt que de débattre des conséquences éventuelles du transhumanisme, cette recherche étudie le transhumanisme au présent, en fait une énigme, ce qu’il s’agit d’expliquer plutôt qu’un point de départ.
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For the past ten years, transhumanism has triggered the attention of many disciplines, journalists, and many other actors of the public debate on emerging technologies. In this very polarized conversation, two omissions are striking. On the one hand, transhumanism is almost never reckoned as a movement of ideas, structured in associations by activists; but rather vaguely referred to major distant powers (Silicon Valley or Southeast Asia in particular). On the other hand, technical objects that are at the center of the debate are at the same neglected, as if they were nothing but the scenery of a normative debate.
This research aims at cross-fertilizing STS perspectives, philosophy of technology, and environmental humanities. It is based on a long-term fieldwork, embedded within the transhumanist movement, in particular the French Transhumanist Association. It presents an in- depth ethnography of the transhumanist movement, as it is defined, structured and animated by those who call themselves transhumanists.
This thesis is made of four main sections. First, I describe the history of the transhumanist movement and of its slow structuration, and I provide an unprecedented cartography of its multiple components. I stick with a deliberately unstable definition, yet descriptively accurate: transhumanism is a movement of individuals who consider that humanity can and must enhance itself with emerging technologies, in order to improve its health, longevity, or physical and cognitive capacities. This definition aims at taking seriously the fact that men and women, for over thirty years, have got involved in a very fragile and contested movement. Who are these people? What do they want? What are their motivations? In this sense, I study several internal controversies of the movement, in order to describe its internal dynamics.
Secondly, epistemic explorations describe the kind of knowledge that triggers the curiosity of transhumanists. Here I show that, much more than engineers who take their dreams for reality, transhumanists constitute a form of public of technoscientific promises that irrigate the Western world. In this perspective, I focus on the ambiguous ways in which transhumanists relate to present and future technical objects. While the former are often frustrating in their everyday practices, they are mostly considered as clues of a future to be deciphered. Thirdly, political explorations follow the transhumanists in their daily activities as hesitant activists. Here, I describe how transhumanists struggle to be considered as rational and respectable actors in the public debate on emerging technologies. I also describe various initiatives, in which transhumanists have tried to set up political parties. So doing, I show that inscribing quite vague ideas in specific contexts and in a broader political context constantly fractures the movement, and brings in it numerous tensions and conflicts. Finally, ecological explorations face two challenges. First the ways in which transhumanists address the ecological crisis are at least surprising: most of the time they show little interest for this issue, and, when they don’t, their statements are somehow contrary to the central claims of the movement. Then I offer a reading of one of the core transhumanist themes, human enhancement, based on a thick description of the technical objects involved (prosthetics).
This research aims at showing that focusing solely on transhumanism’s normative claims doesn’t allow for a fruitful critical examination. Investigating their enunciators and their conditions of enunciation should thus enrich the perspective. Giving emerging technical objects a little more attention might open them up from their status of prefiguration of the future. Rather than discussing transhumanism’s potential consequences, this research looks at it in its actual iterations and daily practices. This research accounts transhumanism as an enigma that has to be explored, much more than a starting point for normative claims.
Cette recherche mobilise des perspectives croisées issues des STS, de la philosophie des techniques et des humanités environnementales, et est fondée sur une démarche de terrain de longue haleine au sein du mouvement transhumaniste, en particulier l’Association Française Transhumaniste. Elle présente une étude ethnographique approfondie du mouvement transhumaniste, en tant que défini, animé et habité par celles et ceux qui se disent et s’affichent transhumanistes.
Cette thèse est composée de quatre parties principales. D’abord, elle présente un historique du mouvement transhumaniste et de sa lente structuration, ainsi qu’une cartographie de ses multiples composantes. La définition du transhumanisme adoptée ici reste volontairement incertaine, tout en conservant une précision descriptive : il s’agit d’un mouvement réunissant des individus qui considèrent que l’humanité peut et doit s’améliorer grâce aux technologies émergentes, afin d’augmenter sa santé, sa longévité, ou ses capacités physiques et cognitives. Cette définition prend au sérieux le fait que des hommes et des femmes, depuis une bonne trentaine d’années, choisissent de s’investir dans un mouvement qui s’attire les foudres de nombreux critiques. Qui sont ces gens ? Que veulent-ils ? Quelles sont leurs motivations ? Dans ce sens, plusieurs controverses internes au mouvement sont étudiées, afin d’en comprendre les dynamiques internes.
Ensuite, des explorations épistémiques décrivent le type de savoir qui active la curiosité des transhumanistes, et montre que, bien plus que des ingénieurs prenant leurs rêves pour des réalités, les transhumanistes constituent une forme de public des promesses technoscientifiques qui irriguent le monde occidental. Dans cette perspective, je m’attarde sur le rapport que nouent les transhumanistes avec les objets techniques présents et futurs. Si les premiers sont souvent contrariants dans les pratiques quotidiennes, ils sont considérés avant tout comme des traces d’un futur à décrypter. Puis, des explorations politiques suivent les transhumanistes dans leurs activités quotidiennes de militants hésitants. J’y décris les efforts que les transhumanistes déploient pour être considérés comme des acteurs rationnels et respectables du débat public sur les technologies émergentes. J’y retrace également diverses initiatives d’organisation du mouvement en partis politiques, pour montrer à quel point l’insertion dans un débat social plus large et des contextes nationaux spécifiques fracture constamment un mouvement qui se veut universel. Enfin, des explorations écologiques ont deux enjeux : étudier la manière dont les transhumanistes répondent, rarement, aux enjeux environnementaux actuels ; et proposer une lecture centrée sur les objets (prothèses) de l’une des problématiques centrales du transhumanisme, l’augmentation humaine (human enhancement).
Cette recherche a l’ambition de montrer qu’il ne suffit pas de s’attacher aux seuls contenus normatifs du transhumanisme pour en formuler une critique féconde. Enquêter sur leurs énonciateurs et leurs conditions d’énonciation doit ainsi enrichir les perspectives, en accordant aux objets techniques émergents un peu plus d’attention, et en les désenclavant de leur statut de préfigurations du futur. Plutôt que de débattre des conséquences éventuelles du transhumanisme, cette recherche étudie le transhumanisme au présent, en fait une énigme, ce qu’il s’agit d’expliquer plutôt qu’un point de départ.
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For the past ten years, transhumanism has triggered the attention of many disciplines, journalists, and many other actors of the public debate on emerging technologies. In this very polarized conversation, two omissions are striking. On the one hand, transhumanism is almost never reckoned as a movement of ideas, structured in associations by activists; but rather vaguely referred to major distant powers (Silicon Valley or Southeast Asia in particular). On the other hand, technical objects that are at the center of the debate are at the same neglected, as if they were nothing but the scenery of a normative debate.
This research aims at cross-fertilizing STS perspectives, philosophy of technology, and environmental humanities. It is based on a long-term fieldwork, embedded within the transhumanist movement, in particular the French Transhumanist Association. It presents an in- depth ethnography of the transhumanist movement, as it is defined, structured and animated by those who call themselves transhumanists.
This thesis is made of four main sections. First, I describe the history of the transhumanist movement and of its slow structuration, and I provide an unprecedented cartography of its multiple components. I stick with a deliberately unstable definition, yet descriptively accurate: transhumanism is a movement of individuals who consider that humanity can and must enhance itself with emerging technologies, in order to improve its health, longevity, or physical and cognitive capacities. This definition aims at taking seriously the fact that men and women, for over thirty years, have got involved in a very fragile and contested movement. Who are these people? What do they want? What are their motivations? In this sense, I study several internal controversies of the movement, in order to describe its internal dynamics.
Secondly, epistemic explorations describe the kind of knowledge that triggers the curiosity of transhumanists. Here I show that, much more than engineers who take their dreams for reality, transhumanists constitute a form of public of technoscientific promises that irrigate the Western world. In this perspective, I focus on the ambiguous ways in which transhumanists relate to present and future technical objects. While the former are often frustrating in their everyday practices, they are mostly considered as clues of a future to be deciphered. Thirdly, political explorations follow the transhumanists in their daily activities as hesitant activists. Here, I describe how transhumanists struggle to be considered as rational and respectable actors in the public debate on emerging technologies. I also describe various initiatives, in which transhumanists have tried to set up political parties. So doing, I show that inscribing quite vague ideas in specific contexts and in a broader political context constantly fractures the movement, and brings in it numerous tensions and conflicts. Finally, ecological explorations face two challenges. First the ways in which transhumanists address the ecological crisis are at least surprising: most of the time they show little interest for this issue, and, when they don’t, their statements are somehow contrary to the central claims of the movement. Then I offer a reading of one of the core transhumanist themes, human enhancement, based on a thick description of the technical objects involved (prosthetics).
This research aims at showing that focusing solely on transhumanism’s normative claims doesn’t allow for a fruitful critical examination. Investigating their enunciators and their conditions of enunciation should thus enrich the perspective. Giving emerging technical objects a little more attention might open them up from their status of prefiguration of the future. Rather than discussing transhumanism’s potential consequences, this research looks at it in its actual iterations and daily practices. This research accounts transhumanism as an enigma that has to be explored, much more than a starting point for normative claims.
Création de la notice
02/04/2019 11:29
Dernière modification de la notice
18/09/2020 10:36