Introduction : La polymédication (≥5 médicaments) peut constituer une source d’interactions et effets indésirables potentiellement délétères dans la prise en charge thérapeutique des patients et dans le fonctionnement des systèmes de santé. Plusieurs études se sont intéressées à l’association entre la polymédication et aux altérations des fonctions cognitives ainsi qu’à la survenue de démences. Cependant, les données de la littérature scientifique dédiée demeurent contradictoires et les mécanismes physiopathologiques sous-jacents ne sont pas élucidés. En considérant l’ampleur de la prévalence de la polymédication et ses conséquences, il est primordial de développer nos connaissances.
Objectifs : La présente étude vise à caractériser la médication des patients adressés à un Centre universitaire de la mémoire (Centre Leenards de la Mémoire – CHUV, CLM-CHUV) et de la comparer à celle d’une population de référence, les séniors du canton de Vaud - Suisse.
Méthodologie : Il s’agit d’une étude prospective mono-centrique incluant 100 nouveaux patients de ≥ 69 ans adressés au CLM–CHUV, entre février 2019 et octobre 2020. Les traitements médicamenteux réguliers apportés par les patients ont été codés selon la classification ATC de l’Organisation Mondiale de la Santé. La médication des patients du CLM-CHUV a ensuite été comparée à celle des séniors vaudois à travers les résultats de l’étude intitulée « Médicaments chez les seniors vaudois à domicile : nombre et composition » (31). Les analyses statistiques comparatives classiques ont été effectuées avec un seuil de 5% (p-valeur < 0.05).
Résultats : Les patients du CLM-CHUV consomment en moyenne 5.9 médicaments (minimum 0, maximum 17). La majorité des individus présentent une polymédication (56%), c’est-à-dire qu’ils prennent au moins 5 médicaments. En comparaison, les séniors vaudois consomment en moyenne 3.4 médicaments (minimum 0, maximum 18) et 27% présentent une polymédication. L’ensemble des classes pharmacologiques principales est systématiquement plus représentée chez les patients du CLM-CHUV, les écarts entre les deux groupes étant variables selon les classes. Par exemple, la différence dans l’utilisation de médicaments du système cardiovasculaire (69% des séniors vaudois contre 82% des patients du CLM-CHUV) est plus modeste que celle relative à la consommation de psychotropes (18% des séniors vaudois contre 50% des patients du CLM-CHUV). Quelques sous-classes pharmacologiques semblent être plus utilisées par les séniors vaudois, mais nous ne pouvons exclure une variabilité due à l’échantillonnage.
Conclusion : Il semble exister une association entre la polymédication et l’altération des fonctions cognitives ainsi que la survenue d’une démence. L’incrimination de sous-classes pharmacologiques et la détermination des mécanismes physiopathologiques restent difficiles et des études supplémentaires sont nécessaires.