Contexte : Le traitement précoce lors d'un premier épisode psychotique est un facteur pronostic important pour la suite de l'évolution de la maladie. La durée de la psychose non traitée (DUP : Duration of Untreated Psychosis), est définie par la période entre le début des premiers symptômes psychotiques et l'initiation d'un traitement spécialisé. Elle permet de monitorer l'accès aux soins des patients et sa durée permet de prédire en partie l'évolution favorable ou non des patients. Le programme TIPP (Traitement et Intervention Précoce dans les troubles Psychotiques) a été implanté en avril 2004 à Lausanne. Ses principaux objectifs sont de diminuer la durée de la psychose non traitée et de proposer des soins spécifiquement adaptés aux besoins des patients qui traversent un premier épisode psychotique.
Objectifs : Les objectifs de cette étude sont d’évaluer l’influence du programme sur la DUP au fil du temps, de monitorer l’évolution des points d’entrée et de sortie du patient dans le programme, d’établir le profil des patients avec une DUP extrême (au-delà du percentile 90) ainsi que l’évolution de ce profil dans le temps afin de déterminer une catégorie de patients plus à risque d’un long délai avant traitement. Enfin, on évalue l’accessibilité aux soins des patients ainsi que la nécessité de nouvelles mesures d’informations.
Méthode : Les données de suivi clinique de 380 patients âgés de 18 à 35 ans ayant présenté un premier épisode psychotique et intégré le programme TIPP entre 2004 et 2017 ont été analysées. Les patients ont été répartis en deux groupes égaux (première phase entre 2004 et 2010 ; deuxième phase entre 2010 et 2017) pour calculer l’évolution de la DUP au fil du temps ainsi que les points d’entrée et de sortie du programme. Les patients avec des DUP extrêmes (>P90) dans les deux groupes ont été identifiés puis leur profil a été comparé avec celui d’un groupe contrôle (tous les patients avec DUP <P90) en utilisant la méthode bayésienne de comparaison de modèle. Les patients ont aussi été répartis en un groupe contenant le premier quart et un autre groupe contenant le dernier quart des patients ayant rejoint le programme puis les points d’entrée et de sortie du programme entre ces deux groupes ont été comparés.
Résultats : La DUP diminue légèrement au fil du temps : sa valeur moyenne est de 452.11 jours et sa médiane est de 88 jours. 76.6% des patients dans le programme ont une DUP inférieure à 74 semaines, et la médiane dans le groupe contrôle (<P90) est de 67 jours. Une majorité de patients entrent dans le programme par l’hôpital psychiatrique (65.8%) et sortent vers un suivi ambulatoire spécialisé au CHUV (43.0%). On observe une diminution des points d’entrée dans le programme par le SIM (de 13.8% à 3.6%) et augmentation des points d’entrée « autres » (de 1.1% à 13.3%) ainsi qu’une diminution des points de sortie avec le temps vers un suivi ambulatoire spécialisé au CHUV (de 50.6% à 23.3%) et une augmentation des sorties vers un suivi en cabinet psychiatrique (de 19.5% à 46.5%). Les caractéristiques principales des patients avec DUP extrême sont l’âge précoce de début de psychose, le diagnostic de schizophrénie et la présence d’antécédents psychiatriques.
Conclusion : Globalement, ces chiffres suggèrent que le programme s’est amélioré dans la prise en charge des patients psychotiques et que la DUP est dans les normes internationales. Plusieurs points positifs ont été relevés tels que la diminution des sorties vers un suivi spécialisé et un meilleur fonctionnement à l’entrée des patients avec DUP extrême récemment entrés dans le programme. L’un des principaux facteurs de risque d’une longue DUP est l’âge précoce de survenue de la psychose. Il faudrait faire davantage de campagne d’information grand public sur le long terme pour diminuer encore plus la DUP et renforcer le lien entre la pédopsychiatrie et la psychiatrie adulte dans ce domaine.