La visualisation de données, entre usages démonstratifs et heuristiques

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Etat: Public
Version: de l'auteur⸱e
Licence: Non spécifiée
ID Serval
serval:BIB_5AE22468AE80
Type
Partie de livre
Sous-type
Chapitre: chapitre ou section
Collection
Publications
Institution
Titre
La visualisation de données, entre usages démonstratifs et heuristiques
Titre du livre
Les devenirs numériques des patrimoines
Auteur⸱e⸱s
Grandjean Martin
Editeur
Editions de la Maison des sciences de l'homme
Statut éditorial
Publié
Date de publication
2022
Peer-reviewed
Oui
Pages
199-217
Langue
français
Résumé
Pratique transdisciplinaire prenant sa source dans les méthodes mathématiques bien avant l’avènement de l’ordinateur, la visualisation de données est le versant visuel et coloré de l’analyse de données statistiques. Même si la visualisation de données fait partie d’un vaste continuum (Jessop 2008), elle s’est assez récemment constituée en discipline, celle des visual studies, avec ses précurseurs, dont Jacques Bertin (Bertin 1967), John Tukey (Tukey 1977) ou Edward Tufte (Tufte 1983), et un nouvel âge d’or il y a une dizaine d’années, incarné par exemple par Alberto Cairo (Cairo 2012), Nathan Yau (Yau 2011) ou Mike Bostock (Bostock et al. 2011). Il se publie désormais chaque année des dizaines de nouvelles monographies ou recueils d’exemples inspirants (voir par ex. Schwabish 2021 pour un des derniers exemples en date). Devenu un véritable objet de l’histoire de l’art, on observe aujourd’hui un retour vers des formes vintage, une redécouverte des graphiques fascinants et parfois excentriques de Charles-Joseph Minard, Florence Nightingale, John Snow ou encore W. E. B. Du Bois. Si elles sont souvent étudiées pour elles-mêmes, une analyse longitudinale de ces visualisations « historiques » montre que leur développement a connu des périodes plus ou moins fastes (Friendly 2007) et nous permet de relativiser le caractère innovant des productions actuelles.
Les formes visuelles que nous connaissons aujourd’hui sont donc largement inspirées des premières grandes études statistiques du XIXe siècle ainsi que de l’utilisation quasi quotidienne d’outils produisant des résultats chiffrés ou des représentations visuelles à interpréter(sinusoïdale explicitant une fréquence, graphe d’une fonction en analyse mathématique, bande colorée du spectre électromagnétique d’un corps céleste, simulation de molécules ou de génomes, calcul de la trajectoire de particules élémentaires après collision, etc.), mais elles n'en sont pas moins le reflet graphique d’une abstraction supposée pure, vraie, objective : la donnée. Or, la donnée est rarement « donnée », mais construite par un appareillage destiné à la recueillir ou une procédure chargée de la compiler. Et si, comme on va le voir, l’inventaire des types de visualisations possibles montre une convergence des formes quel que soit le contexte scientifique, la façon dont on crée la donnée, elle, diffère
fortement d’une discipline à l’autre. La visualisation de données en sciences humaines et sociales, par exemple, aura beau utiliser des codes graphiques qui la rendront quasi identique à une visualisation statistique produite par des chercheurs en sciences de la vie, elle ne consiste pas en la représentation du résultat d’une manipulation expérimentale, d’une observation au moyen d’un appareillage ou d’un processus mathématique conceptuel. Au contraire, elle traduit visuellement un jeu de données préalablement modélisées, extraites et encodées par le chercheur. De l’enquête sociologique dont on tire des distributions statistiques à la compilation d’événements historiques récurrents sur une carte, en passant par les analyses économiques de l’évolution de la valeur de certaines marchandises ou encore le comptage d’occurrences de termes dans de grandes concordances littéraires ou religieuses, les méthodes quantitatives en sciences humaines et sociales nous ont habitués à la production de visualisations de données qui nécessitent un travail considérable pour passer de la source à la donnée, puis de la donnée à la représentation graphique, et impliquent un régime interprétatif particulier (Drucker 2020).
Plutôt qu’une histoire de la visualisation, ce que nous proposons ici est un questionnement sur le statut de ces images, leur rhétorique et leur inscription dans une démarche d’herméneutique de la donnée. Un panorama des usages, une typologie. Or, à quoi sert une typologie des usages, puisqu’il existe déjà comme on va le voir de nombreuses typologies des formes ? Au contraire des catalogues d’exemples, qui étendent l’horizon et développent la créativité, une typologie des usages sert à prendre conscience de ce que l’on fait (et clarifier pourquoi), de comprendre ce que l’on peut faire dans un contexte donné et de choisir ce que l’on va faire en connaissance de cause. En bref, c’est un outil qui permet une critique de l’acte de visualisation lui-même, entendu comme une pratique scientifique faisant intégralement partie de l’activité de recherche, puis de vulgarisation.
Création de la notice
09/11/2022 16:12
Dernière modification de la notice
10/11/2022 7:10
Données d'usage