Nous montrons que des facteurs émotionnels inhérents aux enjeux de la problématique de la transplantation ont influencé les débats parlementaires et contribuent par conséquent à expliquer la version finale de la loi et son interprétation politique. En particulier, l'idée de « promotion » du don d'organes a non seulement attisé des peurs sous-jacentes au problème de la définition de la mort, mais elle a également fait craindre une perte des libertés individuelles au profit d'une appropriation collective des organes par l'Etat. Ces peurs ont permis de légitimer une interprétation de la loi qui assigne à l'Etat un rôle d'information « neutre » à l'égard de la population et qui tend à exclure toute idée de promotion du don d'organes. Elles ont, en outre, permis de justifier politiquement la limitation du débat public sur le thème de la transplantation et du don d'organes. Notre analyse montre ainsi que les émotions jouent un rôle important dans les procédures politiques qui permettent de débattre de questions médicales comportant des enjeux bioéthiques et de produire des normes juridiques régulant les comportements sociaux dans ce domaine.