<< L'odorat a ses monstres >> Olfaction et perversion dans l'imaginaire fin-de-siècle (1880-1905)
Détails
ID Serval
serval:BIB_48E904B7C080
Type
Thèse: thèse de doctorat.
Collection
Publications
Institution
Titre
<< L'odorat a ses monstres >> Olfaction et perversion dans l'imaginaire fin-de-siècle (1880-1905)
Directeur⸱rice⸱s
Caraion Marta
Codirecteur⸱rice⸱s
Marchal Hugues
Détails de l'institution
Université de Lausanne, Faculté des lettres
Statut éditorial
Acceptée
Date de publication
2020
Langue
français
Résumé
Intitulée « L'odorat a ses monstres ». Olfaction et perversion dans l'imaginaire fin-de-siècle (1880-1905), cette thèse met en lumière la façon dont médecins et écrivains ont collaboré à la construction et à la diffusion dans l'imaginaire collectif du XIXe siècle finissant de la figure du pervers olfactif. Sur la base d'un corpus varié réunissant des textes médicaux, littéraires, mondains et juridiques, elle montre de quelle façon s'est progressivement imposée l'idée que la perversion sexuelle se manifestait de façon quasi systématique par des désordres d'ordre olfactif (odeur émise ou perçue) chez les « malades ». Cette recherche examine les circulations de cas, d'idées et de notions qui opèrent entre ces différents discours et la façon dont ceux-ci se légitiment mutuellement, naturalisant de fait les présupposés idéologiques qui les sous tendent.
La thèse se compose de trois parties. La première, intitulée « Naso-génitalité », revient sur la théorie d'époque identifiant un lien direct entre le nez et les organes génitaux, en vertu duquel la stimulation d'un système d'organes entraînerait automatiquement celle de l'autre. Le premier chapitre examine les textes médicaux à l'origine de cette conception, le second se penche sur ses échos littéraires, tandis que le troisième examine la question de l'onanisme, exemple symptomatique du glissement de la naso-génitalité de la normalité vers la déviance selon les conceptions d'époque.
La deuxième partie de la thèse, intitulée « Perversions olfactives », suit le catalogue nosographique établi par les proto-sexologues pour examiner la façon dont chacune des grandes « perversions » identifiées par l'époque intégrerait un désordre olfactif spécifique, qui marque à la fois sa singularité et son intégration au sein de la « perversion olfactive » au sens large. Les « déviances » ainsi étudiées individuellement sont le fétichisme, l' « inversion», le saphisme, la prostitution, l'adultère et la bestialité. Chacun des chapitres correspondants fait dialoguer textes littéraires et médicaux pour mettre en lumière les jeux d'emprunts, de renforcement ou, à l'inverse, de divergence qui s'élaborent entre les deux discours, mouvements qui contribuent à la création d'une identité olfactive déviante dans les représentations d'époque. Il ressort de ces analyses que l'odorat, sens traditionnellement associé à l'animalité, à la primitivité et à la pulsion sexuelle, constitue un instrument de choix pour penser la « déviance » sexuelle dans ce qu'elle a de plus socialement disruptif.
L'association entre olfaction et perversion est si prégnante dans l'imaginaire finiséculaire qu'elle suffit à faire naître le soupçon de l'immoralité et du déséquilibre dans tout domaine où l'odorat joue un rôle important, si innocent qu'il soit en apparence. Cette capacité prêtée à l'odeur à pervertir de l'intérieur ses différents champs d'action constitue l'objet de la troisième partie de la thèse, sous le titre « Odeurs perverties ». Le chapitre « Stupéfiants poisons » observe la façon dont l'amour des parfums tend à dégénérer, sinon dans les actes du moins dans les discours, vers la« parfumomanie », une dépendance maladive aux substances odorantes. L'usage religieux des senteurs n'est pas épargné non plus, le chapitre« Chrême et blasphème» étudiant les différents détournements dont font l'objet principalement l'encens et l'odeur de sainteté dans un discours médico-littéraire à forte portée anticléricale. Certains créateurs - parfumeurs, mais aussi musiciens et écrivains - tentent d'échapper à cette pathologisation de l'olfaction en proposant des œuvres qui tirent profit du potentiel esthétique des senteurs (chapitre « Esthètes olfactifs »). Cette échappée participe toutefois paradoxalement de ce mouvement de pathologisation, les artistes qui marquent leur intérêt pour les odeurs retenant l'attention des médecins qui se demandent s'ils ne seraient pas, en fin de compte, eux aussi des pervers. Les écrivains qui avaient collaboré à créer et à diffuser l'idée de la perversion olfactive se trouvent donc à leur tour suspectés de ce mal même qu'ils ont contribué à instituer.
En conclusion, cette thèse met en évidence que l'odeur, tout ensemble matérielle et immatérielle, concentrée et volatile, symbolise parfaitement la crainte que fait naître la perversion, à la fois résolument autre et menaçant toujours de s'infiltrer et de s'imposer. Il ressort donc de ce parcours que l'odorat n'a pas seulement ses monstres; il est le monstre.
La thèse se compose de trois parties. La première, intitulée « Naso-génitalité », revient sur la théorie d'époque identifiant un lien direct entre le nez et les organes génitaux, en vertu duquel la stimulation d'un système d'organes entraînerait automatiquement celle de l'autre. Le premier chapitre examine les textes médicaux à l'origine de cette conception, le second se penche sur ses échos littéraires, tandis que le troisième examine la question de l'onanisme, exemple symptomatique du glissement de la naso-génitalité de la normalité vers la déviance selon les conceptions d'époque.
La deuxième partie de la thèse, intitulée « Perversions olfactives », suit le catalogue nosographique établi par les proto-sexologues pour examiner la façon dont chacune des grandes « perversions » identifiées par l'époque intégrerait un désordre olfactif spécifique, qui marque à la fois sa singularité et son intégration au sein de la « perversion olfactive » au sens large. Les « déviances » ainsi étudiées individuellement sont le fétichisme, l' « inversion», le saphisme, la prostitution, l'adultère et la bestialité. Chacun des chapitres correspondants fait dialoguer textes littéraires et médicaux pour mettre en lumière les jeux d'emprunts, de renforcement ou, à l'inverse, de divergence qui s'élaborent entre les deux discours, mouvements qui contribuent à la création d'une identité olfactive déviante dans les représentations d'époque. Il ressort de ces analyses que l'odorat, sens traditionnellement associé à l'animalité, à la primitivité et à la pulsion sexuelle, constitue un instrument de choix pour penser la « déviance » sexuelle dans ce qu'elle a de plus socialement disruptif.
L'association entre olfaction et perversion est si prégnante dans l'imaginaire finiséculaire qu'elle suffit à faire naître le soupçon de l'immoralité et du déséquilibre dans tout domaine où l'odorat joue un rôle important, si innocent qu'il soit en apparence. Cette capacité prêtée à l'odeur à pervertir de l'intérieur ses différents champs d'action constitue l'objet de la troisième partie de la thèse, sous le titre « Odeurs perverties ». Le chapitre « Stupéfiants poisons » observe la façon dont l'amour des parfums tend à dégénérer, sinon dans les actes du moins dans les discours, vers la« parfumomanie », une dépendance maladive aux substances odorantes. L'usage religieux des senteurs n'est pas épargné non plus, le chapitre« Chrême et blasphème» étudiant les différents détournements dont font l'objet principalement l'encens et l'odeur de sainteté dans un discours médico-littéraire à forte portée anticléricale. Certains créateurs - parfumeurs, mais aussi musiciens et écrivains - tentent d'échapper à cette pathologisation de l'olfaction en proposant des œuvres qui tirent profit du potentiel esthétique des senteurs (chapitre « Esthètes olfactifs »). Cette échappée participe toutefois paradoxalement de ce mouvement de pathologisation, les artistes qui marquent leur intérêt pour les odeurs retenant l'attention des médecins qui se demandent s'ils ne seraient pas, en fin de compte, eux aussi des pervers. Les écrivains qui avaient collaboré à créer et à diffuser l'idée de la perversion olfactive se trouvent donc à leur tour suspectés de ce mal même qu'ils ont contribué à instituer.
En conclusion, cette thèse met en évidence que l'odeur, tout ensemble matérielle et immatérielle, concentrée et volatile, symbolise parfaitement la crainte que fait naître la perversion, à la fois résolument autre et menaçant toujours de s'infiltrer et de s'imposer. Il ressort donc de ce parcours que l'odorat n'a pas seulement ses monstres; il est le monstre.
Création de la notice
17/11/2020 10:57
Dernière modification de la notice
18/11/2020 6:24