Introduction: La phénoménologie en tant que discipline philosophique a également influencé le développement de la psychiatrie naissante au cours du XXe siècle. Ce fut le cas à Lausanne qui a joui d’une riche collaboration entre chercheurs et cliniciens d’Europe comme de la région. Ceux-ci se sont notamment réunis autour d’un groupe de réflexion clinique et psychopathologique pendant près d’une dizaine d’années. Le but de ce travail est de d’établir une histoire des acteurs ayant pris part au développement de la phénoménologie au sein de la psychiatrie autour de Lausanne. Son étude sera particulièrement indicative des mouvements qui ont traversé la psychiatrie européenne contemporaine, notamment au travers de la vie d’un ancien médecin-chef du département de psychiatrie du CHUV, Pierre Bovet (1946-2014).
Méthodologie : La méthode employée est celle de la recherche historique à partir de sources écrites et orales. La consultation d’ouvrages généraux ou de sources primaires permet la compréhension des textes plus spécifiques de la période et du lieu choisi. S’ensuit un épissage progressif selon des critères géographiques, temporels, référentiels et en fonction du support de diffusion. Les sources écrites sont majoritairement constituées de livres publiés sur la première moitié du 20e siècle et d’articles scientifiques. Les sources orales constituent une dizaine d’entretiens semi-structurés analysés sur le plan sémantique, biographique et socio- historique. Ils sont ensuite synthétisés sous la forme d’un récit historique.
Résultats : Ils sont présentés sous la forme d’un récit historique prenant comme perspective principale la vie de Pierre Bovet. Nous commencerons par décrire sa naissance ainsi que sa jeunesse marquée par le décès de ses parents ainsi que par les mouvements sociaux de mai 1968. Nous verrons ainsi comment, de la médecine générale, il se dirige vers la psychiatrie. Ses premières années de psychiatre sont passées à étudier la venue de la systémique aux côtés de la psychanalyse hégémonique. A la Fondation de Nant sur l’Est-Lausannois, Bovet débute son attachement envers les patients atteints de schizophrénie. Il travaille particulièrement sur ses perspectives systémiques et son épidémiologie. Dans les années 90 après sa rencontre avec différents chercheurs, Bovet se tourne vers la phénoménologie, armé de son ascendance bleulerienne. Par la suite se rapprochant du département de psychiatrie du CHUV, il étudie également la neurobiologie de la schizophrénie et propose de renommer les unités de l’hôpital psychiatrique de Cery en Minkowski et Jaspers. Le groupe de phénoménologie fraîchement fondé se réunit une fois par mois pour discuter de situations cliniques et théoriques. Bovet décède tragiquement en 2014 laissant derrière lui une riche tradition, synthétisé dans un ouvrage-hommage. Après quelques malentendus entre ses membres, le groupe cesse de se réunir peu de temps après. La phénoménologie continue d’exister au sein du CHUV et particulièrement en psychiatrie de liaison.
Conclusion : Au travers de ce récit, nous percevons la richesse et l’intensité avec laquelle la psychiatrie a cherché à se construire, Lausanne n’étant qu’une reproduction de ce qu’il s’est produit en Europe. La phénoménologie constitue encore une discipline importante au sein de la psychopathologie et les développements futurs semblent prometteurs.