Les événements du passage Domérien-Toarcien entre Téthys occidentale et Europe du Nord-Ouest

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ID Serval
serval:BIB_42037
Type
Thèse: thèse de doctorat.
Collection
Publications
Institution
Titre
Les événements du passage Domérien-Toarcien entre Téthys occidentale et Europe du Nord-Ouest
Auteur⸱e⸱s
Morard A.
Directeur⸱rice⸱s
Guex J.
Détails de l'institution
Université de Lausanne, Faculté des sciences
Adresse
Lausanne
Statut éditorial
Acceptée
Date de publication
2004
Langue
français
Notes
REROID:R003842196; 30 cm ill.; Old school value: Université de Lausanne; pagination multiple
Résumé
Abstract
New paleontological, biostratigraphic and geochemical data around the Domerian-Toarcian boundary were collected in northern Midlle-Atlas (Morocco) and the Causses Basin (France). These detailed accounts are integrated in a wider paleogeographic framework (litterature survey and original observations) so as to sketch a revised and uniform stratigraphic scale at the substage and zonal level for the studied interval. However, this empirical and provisory zonation still needs refining and testing with Unitary Association methodology, as well as updating of taxonomic and stratigraphic data from crucial regions (e.g. Portugal).
Faunal revisions and correlations revealed an important stratigraphic gap from Uppermost Domerian to Lowermost Toarcian in european epicontinental seas. Due to this hiatus, lithological and biological changes may seem synchronous in NW-Europe, whereas they are clearly diachronous in peri-tethyan context. This first major crisis is linked to a brief Upper Domerian regressive episode and lead to partial exundation of European basins. The extinction of boreal ammonites (Amaltheidae) is clearly linked to the regression, while tethyan Arieticeratinae and Protogrammoceratinae still diversifie (covariation) before disappearing too. Dactylioceratinae radiate in southern regions at the very end of the regressive trend. Their sudden appearance define the base of the Toarcian stage, preceding or accompanying the collapse of the carbonate productivity (transition to pelitic sedimentation, shift and fall of carbon isotopic ratios).
In Lower Toarcian times, ammonites follow the well-known transgression to reconquer and radiate into european basins. Their evolution is controlled by covariation patterns and follows the generalised version of Cope's rule (size increase accomodated by changes in coiling). As another consquence of sea-level rise, oxygen becomes exhausted through recycling of the organic matter accumulated by vegetation during low stand. The oceanic anoxic event (OAE) thus triggered, leads to a second faunal crisis. This extinction affects benthic organisms mainly. It is also recorded in the carbon isotopic record, as an almost synchronous positive peak at the global scale (huge quantities of «light» carbon were trapped in black shales).
Therfore two successive crisis have to be distinguished, differing in their causes and consequences :
-climatic cooling culminating in a glaciation and regression at the Domerian-Toarcian boundary favor benthos development, whereas ammonite respond to stress by diversification and/or extinction depending on their paleobiogeographic distribution
-in Lower Toarcian, complex climatic balancing lead to greenhouse conditions and transgression. Benthic organisms disappear due to the development of anoxia.
The short-lived activity of the Karoo-Ferrar large igneous province (LIP) is most probably the starting point of and common element between both crises. We propose a logical sequence of causes and consequences for this Domerian-Toarcian transition. The complex 'interplay of lithospheric, hydrospheric and biospheric factors resuli in a drastic global disturbance of bio-geo-chemical cycles, whose effects are eventually modulated by regional or local peculiarities.
Résumé
Cette étude apporte de nouvelles données paléontologiques, biostratigraphiques et géochimiques autour du passage Domérien-Toarcien dans le Moyen-Atlas septentrional (Maroc) et le Bassin des Causses (France). L'intégration de ces levés détaillés dans un cadre paléogéographique plus large (compilation de la littérature et observations inédites dans d'autres bassins) nous permet d'esquisser un nouveau cadre stratigraphique uniformisé au niveau des sous-étages et des zones. Cette échelle empirique et provisoire devra toutefois encore être affinée et testée par la méthode des Associations Unitaires et complétée par l'actualisation des récoltes dans certaines régions clefs (Portugal notamment).
La révision des faunes d'ammonites et de leur répartition a révèlé la présence d'une importante lacune stratigraphique entre le Domérien terminal et le Toarcien basal dans les mers épicontinentales européennes. Du fait de ce hiatus, les changements lithologiques et biologiques paraissent synchrones en Europe du Nord-Ouest, alors qu'ils sont nettement diachrones sur les pourtours de la Téthys. Cette première crise majeure est liée à un bref épisode régressif au Domérien supérieur, exondant partiellement les bassins européens. Chez les ammonites, l'extinction des Amaltheidae boréaux est clairement liée à cette crise, alors que les Arieticeratinae et Protogrammoceratinae voient leur variabilité exploser (covariation) en Mésogée avant de disparaître à leur tour. Les Dactylioceratinae, marqueurs de la base du Toarcien, apparaissent tout à la fin de la régression dans la province méridionale, juste avant ou simultanément à l'effondrement de la production carbonatée (passage à une sédimentation argileuse, décalage puis chute des valeurs isotopiques du carbone).
Les ammonites suivent ensuite la transgression bien connue du Toarcien inférieur pour reconquérir les mers européennes et se rediversifier, selon des modalités évolutives faisant intervenir la covariation des caractères et la loi de Cope généralisée (augmentation de taille accomodée par des changements d'enroulement). Mais la remontée du niveau marin a aussi pour conséquence une surconsommation d'oxygène afin de recycler la matière organique fixée par la végétation sur les terres préalablement émergées. L'événement d'anoxie océanique global ainsi généré a des conséquences néfastes pour les organismes benthiques, conduisant à une seconde crise faunique soulignée cette fois-ci par un pic positif des isotopes du carbone, quasiment synchrone à l'échelle mondiale (stockage en masse de carbone «léger»).
Ainsi, les deux crises successives reconnues dans cette étude doivent être clairement distinguée, quant à leurs causes et à leurs effets :
-celle de la limite Domérien-Toarcien fait suite à un refroidissement climatique aboutissant à une glaciation et à une régression. Le benthos est abondant et prospère, les ammonites connaissent une diversification sous stress suivie d'extinctions plus ou moins tardives selon leur répartition paléobiogéographique ;
-celle du Toarcien inférieur résulte quant à elle de ré-équilibrages complexes générant un réchauffement climatique et une transgression, avec disparition du benthos par asphyxie.
Le point de départ et élément commun de ces deux crises est sans doute l' activité de la province magmatique (LIP) du Karoo-Ferrar. En effet, nous suggérons en définitive un enchaînement logique de causes et de conséquences témoignant d'une perturbation drastique globale des cycles bio-géo-chimiques où lithosphère, hydrosphère et biosphère interagissent de manière complexe et modulée selon les contextes régionaux ou locaux.
Résumé grand public
L'histoire de la Vie sur Terre a été marquée assez régulièrement par des périodes de crises majeures qui ont abouti à des extinctions de masse plus ou moins catastrophiques. Ces événements semblent coïncider généralement avec des bouleversements géologiques de grande ampleur, tels que de larges oscillations du niveau marin, des changements climatiques drastiques, des perturbations des cycles biogéochimiques de vastes épanchements volcaniques ou encore des impacts d'astéroïdes. De plus, la configuration géographique de notre planète a été profondément modifiée au cours des temps géologiques, les continents et océans se formant et disparaissant à des vitesses infimes à l'échelle humaine, mais conduisant après quelques millions d'années à des déplacements de plusieurs centaines, voire milliers de kilomètres.
Notre étude tente de comprendre ce qui s'est passé lors de l'un de ces bouleversements majeurs, à la limite entre les étages Domérien et Toarcien (au Jurassique inférieur, il y a environ 184 millions d'années). Bien que cette crise soit de bien moindre importance que les «5 plus grandes catastrophes» de l'histoire de la Terre, elle met en jeu des mécanismes comparables. A cette époque, l'Europe était presque totalement recouverte par une mer peu profonde, alors que la Téthys (un océan ancien occupant approximativement l'emplacement de la Méditerranée actuelle, mais ouvert vers l'Est sur le Pacifique) se terminait en coin au niveau d'un point triple entre l'Espagne, le Maroc et l'Amérique, alors encore toute proche.
A l'aide de fossiles (essentiellement des ammonites, céphalopodes à coquilles cloisonnée et enroulée en spirale), nous avons pu dater précisément les couches sédimentaires et proposer de nouvelles équivalences chronologiques (corrélations) entre des régions étudiées jusque là séparément. Par des études détaillées de terrain et diverses analyses en laboratoire, nous avons ensuite pu reconstituer l'enchaînement des événements qui ont conduit, lors du paroxysme de la crise, à l'enfouissement de très grandes quantités de matière organique, source potentielle d'hydrocarbures. Cette préservation exceptionnelle est liée à un épisode d'anoxie océanique globale (absence d'oxygène dans une partie de la colonne d'eau) au Toarcien inférieur, dont l'origine est à rechercher bien avant le début de cet étage. En effet, suite à une chute importante du niveau de la mer au Domérien supérieur, de vastes surfaces nouvellement émergées ont été colonisées par la végétation. Dans notre scénario l'anoxie s'est développée lors de l'oxydation de ce matériel qui s'est trouvé ennoyé par une remontée brutale du niveau marin peu après la limite Domérien-Toarcien. Nous pensons également que cette oscillation marine est liée à l'activité au Domérien supérieur d'une vaste province volcanique (Karoo-Ferrar) dont l'âge semble coïncider et dont les émissions de gaz et d'aérosols ont pu générer un «hiver nucléaire». Une glaciation s'en serait suivie, avec stockage d'eau sous forme de glace sur les terres émergées, induisant une baisse du niveau marin (à l'heure actuelle, aucune trace de glaciation n'est établie pour cette période, mais cela nous semble la seule cause possible pour une oscillation marine de si courte durée). Cette période est très mal documentée géologiquement du fait de lacunes sédimentaires et de condensations stratigraphiques dans de nombreux bassins. Par la suite, les effets du même volcanisme, ou de réorganisations des cycles biogéochimiques, ont conduit à un réchauffement marqué (effet de serre), à la fonte des glaces et à la remontée du niveau marin.
A partir de ce nouveau scénario, il devient clair que «la» crise du Toarcien inférieur est en réalité bien plus complexe et étalée dans le temps que la plupart des travaux publiés ne le laissent penser. Les faunes ne réagissent pas de la même façon d'une province à l'autre. Des tendances évolutives distinctes apparaissent entre organismes dont les habitats et/ou les modes de vie diffèrent.
En conclusion, nous aimerions insister sur l'importance, peu perceptible dans les lignes qui précèdent, du travail fondamental du paléontologue qui consiste à décrire, nommer et interpréter les innombrables fossiles récoltés minutieusement sur le terrain. Cette science doublement historique (archives géologiques et références bibliographiques), demande beaucoup de temps, mais relativement peu de moyens techniques coûteux. Sans ce patient travail de documentation et d'archivage, aucune des hypothèses émises n'aurait pu être valablement testée, aucun cadre chronologique robuste établi, et aucune information retirée sur les mécanismes intimes de l'évolution des organismes. Ainsi nos études détaillées apportent également un nouvel éclairage sur la morphogenèse et l'évolution des ammonites (covariation des caractères, loi de Cope généralisée), qui nécessitera encore des révisions taxonomiques importantes et des récoltes complémentaires sur le terrain.
Création de la notice
19/11/2007 11:22
Dernière modification de la notice
29/05/2020 12:36
Données d'usage