Cette étude porte sur l'expression et la perception prosodique d'affects spontanés produits dans un contexte social écologique.
Nous postulons que des auditeurs francophones natifs sont capables de distinguer perceptivement les différents affects exprimés, avec un degré de granularité plus fin qu'une simple distinction entre grandes catégories d'émotions. Du fait de leur dimension sociale, nous postulons également que ces affects partagent des similarités acoustiques qui touchent tout particulièrement la forme des contours de fréquence fondamentale.
Pour étayer ces hypothèses, nous avons constitué un corpus de parole expressive spontanée en choisissant comme ontexte un événement sportif. Le choix de matchs de rugby télévisés nous a permis de garder un certain contrôle sur les sessions d'enregistrement, tout en maintenant une situation écologique pour les supporters concernés (possibilité d'interactions entre supporters/entre le supporter et la télévision).
Trois tests de perception ont été réalisés : un test d'étiquetage libre réalisé par les supporters eux-mêmes, visant à fournir une mesure de référence sur l'état affectif du locuteur au moment de chaque production. Un test dimensionnel sur des auditeurs naïfs, dont les résultats ont servis à évaluer le degré de corrélation entre les jugements donns sur les différentes dimensions (activation, valence, spontanéité) et les paramètres acoustiques que nous avons étudiés. Enfin un test catégoriel, également sur des auditeurs naïfs, qui nous a permis de valider la catégorisation des stimuli issus du test d'étiquetage libre mené sur les supporters, ainsi que de calculer un taux de reconnaissance des différents affects.
Une analyse acoustique qualitative a ensuite été menée. Les courbes stylisées ont été décrites grâce au modèle de Martin [Martin, 1975]. Suite à cette description nous avons établi des corrélations entre les différentes caractéristiques acoustiques de nos stimuli et les jugements de dimensions obtenus grâce à notre second test perceptif. En ressort une relation entre les jugements d'activation et la fréquence fondamentale moyenne pour les différents affects mis en évidence lors du test de catégorisation.
Une autre relation, cette fois entre le degré de pente et la valence a attiré notre attention. L'analyse des durées des syllabes finales montre un renforcement de l'accentuation du français.
Aucune relation significative n'a pu être établie dans les corrélations entre les jugements d'activation et la durée du contenu lexical de nos stimuli, ni pour les corrélations entre ces mêmes durées et les jugements de valence extraits du test dimensionnel.
Enfin nous avons montré que la forme des courbes de F0 pouvait constituer une explication aux confusions dans la perception des affects présentant les même types de courbes, comme par exemple l'irritation qui a été confondue avec la déception.