Peupler la scène Effets de foule dans le théâtre sérieux français (1634-1691)
Détails
ID Serval
serval:BIB_3384CD8A1AF9
Type
Thèse: thèse de doctorat.
Collection
Publications
Institution
Titre
Peupler la scène Effets de foule dans le théâtre sérieux français (1634-1691)
Directeur⸱rice⸱s
Escola Marc, Michel Lise
Détails de l'institution
Université de Lausanne, Faculté des lettres
Statut éditorial
Acceptée
Date de publication
2024
Langue
français
Résumé
Le théâtre sérieux du XVIIe siècle est aujourd'hui associé à une dramaturgie épurée qui met l'accent sur les individualités. Parce que la poétique qui s'élabore à partir des années 1630 considère le personnage principal comme l'élément clef de la production de pathétique (en laquelle on voit alors la première source de plaisir du genre tragique), la critique contemporaine. regarde les œuvres de Racine, de Corneille ou de Rotrou comme des pièces explorant avant tout notre relation affective à quelques figures héroïques et aristocratiques.
Pourtant, près de quatre-vingt-dix pourcents des tragédies, tragi-comédies et comédies héroïques produites entre les années 1630 et les années 1690 et jouées sur des scènes professionnelles françaises contiennent au minimum un groupe scénique (gardes, juges, citoyens, etc.), sans compter les mentions d'actions collectives qui prennent place dans le hors scène. Comment mesurer alors l'importance de ces foules pour l'économie des pièces ? Quel(s) rôle(s) celles-ci jouaient-elles dans la construction des spectacles ? Pour quels effets ?
En affrontant ces questionnements, cette thèse de doctorat se propose de désindividualiser le genre sérieux, moins sur le plan de l'intrigue que sur celui de la dramaturgie et de la réception des pièces par le public. À partir d'une enquête menée sur un corpus de cent cinquante pièces produites par quarante-sept auteurs et autrices entre 1634 et 1691, elle dévoile d'une part, grâce à des données matérielles et textuelles, que les phénomènes collectifs sont quantitativement plus conséquents qu'on l'a longtemps pensé; et elle montre d'autre part, à partir de ces constats, que les effets de foule jouent un rôle central dans les logiques de composition et dans la circulation des émotions recherchée par les dramaturges.
La réflexion s'ancre d'abord dans les conditions matérielles des représentations. Contre les approches texto-centrées, une étude historique et archivistique croise des documents d'époque pour mettre au jour le peuplement concret des spectacles sérieux du XVIIe siècle : partant, elle révèle le fonctionnement métonymique de ces pièces qui, en convoquant des groupes à raison de deux, trois ou quatre individus incarnés par des figurants, parvenaient à faire exister sur scène diverses collectivités. Puis, le travail explore les rôles poétiques et esthétiques des foules dramatiques. Il s'attache d'un côté à montrer comment celles-ci participaient à animer les spectacles en donnant corps aux enjeux des actions et en mettant par là en valeur l'intrigue centrale. De l'autre, il dévoile l'extrême originalité du théâtre régulier qui parvenait à mettre ses foules au service d'une meilleure projection du public dans la fiction.
Aussi cette thèse interroge-t-elle à nouveaux frais nos définitions du pathétique. En considérant les effets émotionnels produits par une présence collective muette mais sensible, elle invite à relativiser les processus d'identification et de production de sentiments tragiques, à partir d'une perspective moins unilatérale et plus combinatoire. En outre, ce sont également nos conceptions de l'action théâtrale qu'une telle étude propose de nuancer : en révélant l'impact que pouvait avoir une foule sur la mise en spectacle d'une intrigue, elle suggère la possibilité pour des figures d'agir sur scène sans pour autant agir sur le déroulement des événements fictionnels, des événements que cette thèse engage ainsi à considérer non plus seulement à travers l'œil du Prince, mais aussi, désormais, à travers l'œil du peuple.
Pourtant, près de quatre-vingt-dix pourcents des tragédies, tragi-comédies et comédies héroïques produites entre les années 1630 et les années 1690 et jouées sur des scènes professionnelles françaises contiennent au minimum un groupe scénique (gardes, juges, citoyens, etc.), sans compter les mentions d'actions collectives qui prennent place dans le hors scène. Comment mesurer alors l'importance de ces foules pour l'économie des pièces ? Quel(s) rôle(s) celles-ci jouaient-elles dans la construction des spectacles ? Pour quels effets ?
En affrontant ces questionnements, cette thèse de doctorat se propose de désindividualiser le genre sérieux, moins sur le plan de l'intrigue que sur celui de la dramaturgie et de la réception des pièces par le public. À partir d'une enquête menée sur un corpus de cent cinquante pièces produites par quarante-sept auteurs et autrices entre 1634 et 1691, elle dévoile d'une part, grâce à des données matérielles et textuelles, que les phénomènes collectifs sont quantitativement plus conséquents qu'on l'a longtemps pensé; et elle montre d'autre part, à partir de ces constats, que les effets de foule jouent un rôle central dans les logiques de composition et dans la circulation des émotions recherchée par les dramaturges.
La réflexion s'ancre d'abord dans les conditions matérielles des représentations. Contre les approches texto-centrées, une étude historique et archivistique croise des documents d'époque pour mettre au jour le peuplement concret des spectacles sérieux du XVIIe siècle : partant, elle révèle le fonctionnement métonymique de ces pièces qui, en convoquant des groupes à raison de deux, trois ou quatre individus incarnés par des figurants, parvenaient à faire exister sur scène diverses collectivités. Puis, le travail explore les rôles poétiques et esthétiques des foules dramatiques. Il s'attache d'un côté à montrer comment celles-ci participaient à animer les spectacles en donnant corps aux enjeux des actions et en mettant par là en valeur l'intrigue centrale. De l'autre, il dévoile l'extrême originalité du théâtre régulier qui parvenait à mettre ses foules au service d'une meilleure projection du public dans la fiction.
Aussi cette thèse interroge-t-elle à nouveaux frais nos définitions du pathétique. En considérant les effets émotionnels produits par une présence collective muette mais sensible, elle invite à relativiser les processus d'identification et de production de sentiments tragiques, à partir d'une perspective moins unilatérale et plus combinatoire. En outre, ce sont également nos conceptions de l'action théâtrale qu'une telle étude propose de nuancer : en révélant l'impact que pouvait avoir une foule sur la mise en spectacle d'une intrigue, elle suggère la possibilité pour des figures d'agir sur scène sans pour autant agir sur le déroulement des événements fictionnels, des événements que cette thèse engage ainsi à considérer non plus seulement à travers l'œil du Prince, mais aussi, désormais, à travers l'œil du peuple.
Création de la notice
18/09/2024 15:44
Dernière modification de la notice
18/10/2024 15:58