Cette thèse étudie les formes de la présence des comtes et ducs de Savoie en Méditerranée orientale à la fin du Moyen Age. Bien que le sujet ait retenu l'attention des historiens, des historiographes de la dynastie au XVIIIe jusqu'aux historiens des croisades et des Etats de Savoie du XXe siècle, ces épisodes ont jusqu'à présent été abordés uniquement de manière isolée. Nos recherches ont pour but d'analyser ces épisodes sur le temps long, de manière comparative, et de les réintégrer au contexte plus large de l'histoire dynastique des princes de Savoie. Cette thèse se veut tant une contribution à l'histoire de la guerre médiévale et de ses pratiques, ainsi qu'à l'étude de l'expansion latine en Méditerranée durant le Moyen Age.
Tout en reprenant les sources narratives ainsi que les documents diplomatiques et dynastiques utilisés dans les études postérieures, nos analyses se basent sur l'exploitation systématique des riches fonds documentaires de l'administration savoyarde, conservés aux Archives d'Etat de Turin et aux Archives départementales des Alpes-Maritimes, notamment les importantes séries comptables et les registres des protocoles des notaires de la chancellerie savoyarde. De nombreux extraits de sources sont édités dans le corps du texte ou en notes de bas de page et l'analyse est complétée par un grand nombre de cartes, tableaux synthétiques, graphiques, sources iconographiques et arbres généalogiques. De manière systématique, les résultats de ces analyses sont placés en comparaison avec ceux observés pour d'autres acteurs politiques actifs en Méditerranée, tels que le marquisat de Montferrat, le duché de Bourgogne, la Maison d'Anjou, le royaume de France, d'Aragon et les républiques maritimes de Venise et de Gênes.
La thèse est divisée en trois axes de recherches. La première partie traite le contexte de l'ensemble des campagnes levantines des princes de Savoie en les replaçant dans le contexte plus général de l'histoire de la principauté savoyarde. Dépassant le simple récit événementiel, cette approche comparative cherche à établir les dynamiques communes d'une politique dynastique malgré la typologie variée de ces interventions outre-mer (alliances matrimoniales, expéditions militaires, missions diplomatiques).
La seconde partie, constituant le corps de la thèse, évalue les moyens humains, matériels et financiers engagés par les princes de Savoie pour accomplir leurs ambitions en Orient. Elle débute par une analyse des différents contingents déployés en Outre-mer et de leurs spécificités dues au théâtre d'opérations particuliers : effectifs, recrutement, rémunérations et choix des commandants. Elle se poursuit par l'étude de l'élément le plus singulier de ces campagnes, à savoir la nécessité de réunir des escadres de navires de guerre. Ce sujet est traité en déterminant les principaux partenaires auprès desquels sont affrétés les navires, le potentiel naval propre aux Savoie, les caractéristiques des navires et de leurs équipages ainsi que l'utilisation et le rôle tactique de ces flottes. Cette partie est conclue par une analyse financière, afin d'établir l'impact de ces expéditions sur les finances de l'Etat savoyard ainsi que les instruments fiscaux permettant leur financement.
La troisième et dernière partie cherche à établir à la fois l'influence des princes de Savoie sur l'Orient, en observant la gouvernance instaurée par les Savoie sur les territoires levantins et ses populations, et celui de l'imaginaire culturel et idéologique de l'Orient à la cour de Savoie, à travers la pratique du pèlerinage, de la croisade, l'influence d'œuvres littéraires ou encore de personnages orientaux à la cour. La thèse se termine en considérant l'intégration de la présence des princes de Savoie en Orient comme partie prenante de leur identité dynastique et la revendication de cet héritage à l'époque moderne et contemporaine.