Les modalités de gestion des tâches communales : Vers une discordance institutionnelle ?

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Etat: Public
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ID Serval
serval:BIB_235DAB58C4E5
Type
Thèse: thèse de doctorat.
Collection
Publications
Institution
Titre
Les modalités de gestion des tâches communales : Vers une discordance institutionnelle ?
Auteur⸱e⸱s
Bernier-Amsellem Ada
Directeur⸱rice⸱s
Ladner Andreas
Détails de l'institution
Université de Lausanne, Faculté de droit, des sciences criminelles et d'administration publique
Statut éditorial
Acceptée
Date de publication
2022
Langue
français
Résumé
À l’heure des critiques formulées à l’encontre des ambitions de l’État-Providence, des réformes inspirées du secteur privé sont apparues comme des solutions capables de remédier aux déficits budgétaires des gouvernements. Cependant, l’engouement suscité pour la délégation contractuelle des tâches a aussi apporté son lot de dif- ficultés. En particulier, la pratique y a constaté des problèmes de coordination, de contrôle politique et même d’atteinte des objectifs économiques.
Forts de ces constats, les partisans de la Nouvelle gouvernance ont tenté de remé- dier aux écueils de la précédente école de pensée. Ils émettent alors l’idée d’une progression incontournable du secteur public vers une pluralisation et une satelli- sation des acteurs impliqués dans la gouvernance de la société. En conséquence, ils suggèrent de concentrer les efforts de recherche sur l’étude des interactions et des mécanismes que celle-ci implique. Dans leur étude consacrée, Marks et Hooghe envisagent que la dispersion de l’autorité et la multiplication des juridictions sont les principales caractéristiques institutionnelles de la gouvernance (Marks/Hooghe 2001). Pour d’autres, la gouvernance se caractérise dans l’opposition entre territo- rialité et fonctionnalisme (Pollitt/Bouckaert 2011), ou l’ambition de gouverner sans gouvernement (Andrews/Goldsmith 1998).
Cependant, de nombreux auteurs déplorent que l’adhésion à ces paradigmes en- gendrent des débordements institutionnels (Vodoz et al. 2013), c’est-à-dire un déca- lage entre le cadre territorial et légal et les espaces sociaux et fonctionnels (Koch 2013), voire même une désarticulation de l’État (Frederickson 1999). En d’autres termes, il en résulte une discordance institutionnelle entre d’un côté les institutions politiques et démocratiques de la commune et de l’autre côté, les cadres fonctionnels de réalisation des tâches.
Notre étude vise ainsi à estimer la prévalence du phénomène de discordance insti- tutionnelle en Suisse, cas échéant quelles tâches communales sont particulièrement touchées. Nous adoptons pour cela des méthodes de recherche quantitatives, qui com- binent une approche inductive et une approche hypothético-déductive. Nos données sont issues du questionnaire adressé aux secrétaires municipaux des communes suisses (le monitoring des communes suisses). Elles permettent de prendre connais- sance des modalités par lesquels les quelques 1’700 communes ayant répondu au questionnaire s’acquittent d’un panel de 32 tâches communales.
C’est donc avec l’appui des concepts de la gouvernance, des connaissances scien- tifiques sur l’accomplissement des tâches et de l’approche néo-institutionnelle, que nous étudions ce phénomène de discordance institutionnelle. Nous abordons son fonctionnement, puis les pressions institutionnelles qui y contribuent, et enfin ses implications dans le fonctionnement global et démocratique de la commune. Pour mesurer la discordance institutionnelle, nous mobilisons deux dimensions. La pre- mière s’intéresse à la logique guidant la gestion des tâches, entendu qu’elle puisse
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être territoriale (si elle s’accorde avec les limites physiques de la commune) ou fonc- tionnelle (si elle s’en affranchit). La seconde dimension fait état du degré d’institu- tionnalisation des arrangements fonctionnels. Elle reflète deux approches distinctes, qui orientent d’un côté vers la délégation contractuelle, et de l’autre vers la consti- tution d’entités autonomes.
L’observation de nos données a permis de constater que plus d’un tiers des tâches communales en Suisse suivent une logique fonctionnelle. Celles qui sont le plus touchées sont les prestations sociales. En revanche, certaines tâches montrent un attachement fort à la territorialité, notamment la gestion administrative et l’amé- nagement du territoire. À ce titre, les caractéristiques des tâches permettent d’expli- quer en partie ces différences. En particulier, le fait que certaines tâches relèvent de la puissance publique et constitue le noyau dur de la commune. Enfin, la connexité des tâches entre elles et le but qu’elles poursuivent s’avèrent être des critères déci- sifs pour comprendre leurs modalités de gestion.
L’analyse de l’effet des pressions structurelles sur les modalités de gestion permet d’améliorer notre compréhension du phénomène. Nos résultats ont en effet montré que plus une commune subit de pressions structurelles, plus elle adoptera une lo- gique fonctionnelle. En revanche, les pressions culturelles permettent d’expliquer la tendance à l’institutionnalisation. En effet, la tradition étatique qui prévaut dans la partie francophone, empreinte de légalisme, privilégie la constitution d’entités autonomes. Enfin, notre étude a pu démontré que les différentes fonctions étatiques se montrent sensibles aux pressions exercées sur la commune. En particulier, les valeurs dominantes dans la partie francophone attachent plus d’importance à la territorialité des services sociaux que ce n’est le cas dans la partie germanophone. A contrario, les communes germanophones attachent plus d’importance à la territo- rialité de l’aménagement du territoire que leurs homologues francophones. En cela, l’analyse des pressions institutionnelles ouvre une fenêtre sur la façon dont les tâches publiques incarnent la légitimité politique, et les différents moyens que les communes mettent en œuvre pour la renforcer.
Enfin, nos résultats ont montré que le phénomène de discordance institutionnelle est associé à une détérioration de la qualité des services et de la démocratie locale. L’analyse montre en effet que les secrétaires municipaux font une appréciation plus positive de la démocratie et de la qualité des services à mesure que leur commune gère les tâches à l’interne. En revanche, des arrangements fonctionnels de type contractuels sont plutôt associéx à une détérioration de ces éléments. Les conclu- sions sont toutefois moins claires lorsqu’il s’agit de forte institutionnalisation. En effet, aucune relation significative avec la qualité des services n’a pu être démon- trée. Ces résultats permettent d’envisager que les modèles de gouvernance en réseau pourraient montrer une plus grande performance globale que les modèles contrac- tuels.
Création de la notice
18/07/2022 9:10
Dernière modification de la notice
12/05/2023 5:55
Données d'usage