Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la florissante république de Berne, comparée par Rousseau à la Venise des Doges, dirige de nombreux chantiers publics dans les villes qui la ponctuent. Ces travaux, tant urbanistiques qu’architecturaux, sont l’occasion de mettre en évidence soit un goût marqué pour les formes contemporaines, qu’elles soient parisiennes ou germaniques, soit le maintien d’expressions architecturales de tradition gothique qui conservent intacte l’image séculaire de ces cités. Ainsi, l’hôtel de ville ou celui des monnaies ne sera pas traité dans les mêmes formes que les fortifications et les églises (même réformées).
Ce qui a longtemps été perçu comme un retard stylistique dû à la position périphérique de la république par rapport aux centres politiques et artistiques européens semble bien être, en fait, une véritable stratégie visuelle visant à perpétuer une tradition indispensable à la légitimation de l’oligarchie en place. L’archaïsme flagrant de certaines réalisations n’est pas une maladresse, mais au contraire une marque de la profonde compréhension du rôle de l’histoire dans l’assise politique et idéologique du système corporatiste et patricien.
L’étude des principales cités bernoises d’alors – Berne, Aarau, Morat et Yverdon notamment – sera mise en comparaison avec des cités voisines, notamment Neuchâtel, possession française puis prussienne, et Soleure, siège de l’Ambassade de France dans la Confédération helvétique.