« Quand on vit dans cette précarité, faut savoir que, mal-portant ou bien-portant on est vulnérable. » (Participant ID 211)
Alors qu’on estime que 400'000 personnes dorment dehors ou dans un abri d’urgence en une nuit en France et que ce chiffre est en augmentation, la situation reste incertaine en Suisse. On estime à 250 le nombre de personnes sans abri vivant aux alentours de Lausanne. La morbidité et mortalité de cette population réduit son espérance de vie d’environ 30 ans; s'ajoutent à cela des barrières à l'accès de santé : financières, administratives, personnelles, relationnelles, d’information. Le recours aux soins de ces individus est inconstant, entre pertes de suivi et usage fréquent des urgences. Qu’en est-il de l’accès aux soins et du vécu dans le système de santé de cette population à Lausanne ?
Cette étude qualitative se base sur la réalisation de 12 entretiens semi-structurés avec des usagers de centres d’hébergement d’urgence de Lausanne. Après transcription, analyse de contenu conventionnelle inductive et codage, 4 thèmes principaux en émergent : parcours sinueux du système de santé en Suisse Romande; barrière après barrière à l’accès aux soins, jusqu’à leurs répercussions; l'état de santé puis les répercussions physiques et mentales du vécu dans les centres sur celui-ci; le vécu aux extrêmes dans le système de santé, avec les soignants et les attentes envers ces derniers. Les résultats montrent que cette population présente de multiples pathologies somatiques, psychologiques, un impact délétère de la situation de sans-abrisme sur sa santé et que des barrières entravent son accès aux soins. Il résulte du contact avec le système de santé et les soignant.e.s soit de la satisfaction, soit un ressenti de discrimination et de mépris.
Ces résultats soulignent l'importance de sensibiliser les professionnel.le.s de santé à l’importance de la relation thérapeutique dans la prise en charge des personnes sans abri, visant une prise de conscience et une attention particulière aux barrières structurelles comme aux barrières relationnelles impliquées. Cette démarche permettrait une meilleure alliance thérapeutique et pourrait contribuer à réduire la discontinuité des soins, en plus d’apporter un suivi médical essentiel pour faire face à la vulnérabilité de santé de cette population. Plus largement, les résultats suggèrent par ailleurs qu’il est crucial de mettre en avant la possibilité de retrouver une situation de logement stable, afin d’éviter les problématiques liées au vécu prolongé en situation de sans-abrisme et de permettre une réinsertion sociale et médicale.
« Un bon soignant, [c’est] quelqu’un [qui] peut te soigner, déjà rien qu'à la parole. C'est la vérité. » (Participant ID 273).