Cette thèse vise à analyser le développement de l’activité évaluative des enseignants d’éducation physique et sportive (EPS) dans le canton de Vaud dans un contexte de réforme. L’innovation tient à l’introduction en 2015 de nouvelles évaluations cantonales obligatoires dans un contexte non certificatif. La littérature sur le sujet a émergé dès les années 1970, animée par la volonté de rationaliser l’enseignement et de rompre avec la notation-sanction. Ces travaux sont toutefois à l’origine de confusions entre fonctions et démarches évaluatives : améliorer les apprentissages sans prendre trop de temps, ne pas discriminer les élèves peu performants tout en restant juste. L’évaluation continue ainsi à générer des tensions et de l’inconfort pour l’enseignant d’EPS, ce qui conduit à des ajustements, des arrangements évaluatifs conscients ou non.
Sur ces sujets, le contexte vaudois est spécifique, du fait de l’absence de certification en EPS pendant une longue période, puis d’un cadre d’évaluation sommative standardisé depuis cinq ans. Dans ce contexte, le but est de mieux comprendre le processus qui conduit un enseignant d’EPS à mettre en œuvre de nouvelles épreuves d’évaluation sommatives prescrites, notamment les préoccupations qui le poussent à y introduire des adaptations, voire à les détourner.
Le cadre théorique est celui de la clinique de l’activité qui associe la psychologie culturaliste (Clot, 2008). La méthode qui découle de ce cadre consiste en une étude longitudinale (un an) de l’activité de six enseignants, par le biais d’entretiens d’autoconfrontation simple et croisée. Les données ont été traitées avec la méthode de Bruno et Méard (2018) dans le but de repérer les invariants du développement.
Les résultats montrent que les enseignants d’EPS vaudois sont en proie à des tensions en lien avec le sens d’une évaluation standardisée dans un contexte non noté. Ils partagent le même motif, à savoir faire réussir les élèves, particulièrement ceux qui sont en difficulté. Les situations d’évaluation sommative sont sources de conflits intrapsychiques pour les enseignants d’EPS qui oscillent entre des préoccupations dirigées tantôt vers le bien-être et l’apprentissage des élèves, tantôt vers leur propre confort. Les résultats révèlent un développement potentiel du pouvoir d’agir essentiellement par le sens, en raison de la spécificité des évaluations qui limite le réinvestissement de leurs prises de conscience lors de la situation d’évaluation suivante. Ils mettent également en évidence les effets des interactions au sein des collectifs de travail sur ce développement. Enfin, ils confirment la nécessité d’un meilleur accompagnement des enseignants lors d’une réforme et ouvrent des perspectives d’innovation dans le domaine de la formation à l’évaluation des enseignants d’EPS novices et expérimentés.
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This thesis aims to analyze the development of the evaluative activity of physical education teachers (PE teachers) in the canton of Vaud in a context of reform. The innovation lies in the introduction in 2015 of new compulsory cantonal evaluations in a non-certificatory context. Literature on the subject emerged in the 1970s, driven by the desire to rationalize teaching and to break away from an evaluation-sanction. However, those works have encouraged the emergence of a confusion between the functions and approaches of assessment: improving learning without using too much time, avoiding discrimination against low-performing pupils while remaining fair. Evaluation thus continues to generate tensions and discomfort for the PE teacher, leading to conscious or unconscious evaluative adjustments and arrangements.
Around those topics, the context of the canton of Waadt is quite specific, due to the absence of certification in PE since the 1970s, but also due to a new standardized summative assessment framework since 2015. In this context, our aim is to better understand the processes that leads PE teachers to implement new prescribed summative assessment tests, in particular resistance and concerns that might push him or her to introduce adaptations or even to divert from the prescribed forms.
The theoretical framework is based on the « clinique de l’activité » which combines influences from a culturalist psychology (Clot, 2008). The method based on the this framework consists of a longitudinal study (here for one year) of the activity of six teachers, through ‘self-confrontation interviews’ and ‘cross-referenced interviews’. Data were then processed using Bruno and Méard's method (2018), in order to identify developmental invariants.
Our results show that the PE teachers in the canton of Waadt are experiencing tensions related to the new standardized summative assessment framework in a non-graded context. They often share the same ambition, which is to make students succeed, particularly those who are in difficulty. Summative assessment situations are source of intrapsychic conflict for PE teachers who oscillate between, on the one hand concerns for the well-being and learning of students and, and the other hand, for their own comfort. Our results reveal a potential development of a “power in action” through the meaning of the teaching, due to the specificity of the evaluation framework which limits the reinvestment of their awareness until the next evaluation. Results also highlight the effects of interactions within PE teachers groups (within each schools) on their development. Finally, they confirm the need for better support for teachers during a reform and open up prospects for innovation in the field of training in evaluation for novice and experienced PE teachers.