«L’industrie comme l’un des beaux-arts dans le roman au XIXe siècle : l’exemple de Zola»
Détails
ID Serval
serval:BIB_016061E6651A
Type
Partie de livre
Sous-type
Chapitre: chapitre ou section
Collection
Publications
Institution
Titre
«L’industrie comme l’un des beaux-arts dans le roman au XIXe siècle : l’exemple de Zola»
Titre du livre
Création littéraire et discours social à l’ère de la «littérature industrielle»
Editeur
Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis
Lieu d'édition
Tunis
Statut éditorial
Publié
Date de publication
2015
Editeur⸱rice scientifique
Kallel Monia, Lecomte Marceline, Ben Henda Badreddine
Langue
français
Résumé
En «régime vocationnel», l’œuvre d’art est déterminée par son unicité et son authenticité ; son créateur se distingue par sa singularité et son excellence. Tel est le fonctionnement, décrit par Nathalie Heinich dans L’Elite artiste , de la production artistique, que le XIXe siècle hérite du romantisme et qu’il s’agit, au fil de négociations successives de concilier avec l’avènement de l’art industriel. L’une des modalités de cette conciliation se donne à lire au travers des représentations que les écrivains donnent du monde industriel.
Que faire, alors que l’on tente de sauvegarder une image idéalisée de l’œuvre d’art comme expression géniale et unique, de tout ce qui appartient à la production industrielle ? Les objets d’art sont, dans la constitution de leur essence exacerbée par le romantisme, à l’opposé des objets de série à l’égard desquels ils cultivent un certain mépris. Il y a ainsi comme une mésalliance à devoir thématiser la série alors que l’on revendique l’unicité. L’énorme envergure du phénomène industriel qui produit avec un rendement vertigineux toutes sortes d’objets, en même temps que le développement de technologies reproductrices orientées tous azimuts afin de dupliquer l’ensemble des réalités sensibles, menacent les arts eux-mêmes. L’objet industriel est ainsi un repoussoir pour les arts, pas tellement parce qu’il représente l’altérité, mais en ce qu’il préfigure une menace qui les guette et dont il faut se prémunir.
Une dialectique peut être observée dans les textes, oscillant entre la condamnation topique d’une société qui nivelle les êtres humains en uniformisant industriellement leurs productions, la fascination inquiète à l’égard de ce processus dont le développement exerce une forme de séduction, et sa négation à travers des stratégies de transgression et de réappropriation. Dans la mesure où le syndrome de la série menace l’œuvre d’art, la littérature va osciller entre la mission de restitution réaliste du danger et, au contraire, la volonté d’exorciser celui-ci par l’exaltation de la valeur d’unicité et d’authenticité de l’art. Parallèlement, le monde littéraire des machines et des objets industriels manifeste un même mouvement de balancier entre hantise de la série et séduction de l’unicité. L’unicité et son revers, la série, sont à considérer comme une obsession romanesque exprimant un doute ontologique de la littérature sur soi-même.
On pourra ainsi lire, dans plusieurs romans du XIXe siècle, l’ambiguïté de statut et la perturbation des fonctions attribuées aux œuvres d’art d’une part et aux objets industriels d’autre part. Défendre le statut unique et irremplaçable d’une œuvre d’art est tout compte fait un acte convenu de la part d’un créateur ; transformer, en revanche, des objets industriels en objets uniques dévoile des stratégies nouvelles de la part des artistes et remet en question quelques frontières. Aux fictions qui mettent en scène des figures d’artistes en relation passionnée, voire pathologique, avec leurs œuvres, répondent symétriquement des fictions qui présentent des savants ou des techniciens en relation fusionnelle avec leurs machines. Dans les premières, les œuvres d’art apparaissent d’une part dans leur genèse tourmentée, et d’autre part en état de danger affrontant les lois du marché. Dans les secondes, les objets techniques sont singularisés et arrachés à la réputation matérielle qui est la leur, ayant emprunté le mode d’existence particulier aux œuvres d’art : une production unique, issue du génie d’un individu exceptionnel et doué de propriétés inimitables. On peut expérimenter cette symétrie en considérant les deux romans en miroir de Zola, L’Œuvre avec son peintre Claude Lantier et La Bête humaine avec son mécanicien Jacques Lantier, puis élargir le propos en examinant d’autres textes du siècle (Les Travailleurs de la mer de Hugo, des romans de Verne, Travail de Zola…).
Que faire, alors que l’on tente de sauvegarder une image idéalisée de l’œuvre d’art comme expression géniale et unique, de tout ce qui appartient à la production industrielle ? Les objets d’art sont, dans la constitution de leur essence exacerbée par le romantisme, à l’opposé des objets de série à l’égard desquels ils cultivent un certain mépris. Il y a ainsi comme une mésalliance à devoir thématiser la série alors que l’on revendique l’unicité. L’énorme envergure du phénomène industriel qui produit avec un rendement vertigineux toutes sortes d’objets, en même temps que le développement de technologies reproductrices orientées tous azimuts afin de dupliquer l’ensemble des réalités sensibles, menacent les arts eux-mêmes. L’objet industriel est ainsi un repoussoir pour les arts, pas tellement parce qu’il représente l’altérité, mais en ce qu’il préfigure une menace qui les guette et dont il faut se prémunir.
Une dialectique peut être observée dans les textes, oscillant entre la condamnation topique d’une société qui nivelle les êtres humains en uniformisant industriellement leurs productions, la fascination inquiète à l’égard de ce processus dont le développement exerce une forme de séduction, et sa négation à travers des stratégies de transgression et de réappropriation. Dans la mesure où le syndrome de la série menace l’œuvre d’art, la littérature va osciller entre la mission de restitution réaliste du danger et, au contraire, la volonté d’exorciser celui-ci par l’exaltation de la valeur d’unicité et d’authenticité de l’art. Parallèlement, le monde littéraire des machines et des objets industriels manifeste un même mouvement de balancier entre hantise de la série et séduction de l’unicité. L’unicité et son revers, la série, sont à considérer comme une obsession romanesque exprimant un doute ontologique de la littérature sur soi-même.
On pourra ainsi lire, dans plusieurs romans du XIXe siècle, l’ambiguïté de statut et la perturbation des fonctions attribuées aux œuvres d’art d’une part et aux objets industriels d’autre part. Défendre le statut unique et irremplaçable d’une œuvre d’art est tout compte fait un acte convenu de la part d’un créateur ; transformer, en revanche, des objets industriels en objets uniques dévoile des stratégies nouvelles de la part des artistes et remet en question quelques frontières. Aux fictions qui mettent en scène des figures d’artistes en relation passionnée, voire pathologique, avec leurs œuvres, répondent symétriquement des fictions qui présentent des savants ou des techniciens en relation fusionnelle avec leurs machines. Dans les premières, les œuvres d’art apparaissent d’une part dans leur genèse tourmentée, et d’autre part en état de danger affrontant les lois du marché. Dans les secondes, les objets techniques sont singularisés et arrachés à la réputation matérielle qui est la leur, ayant emprunté le mode d’existence particulier aux œuvres d’art : une production unique, issue du génie d’un individu exceptionnel et doué de propriétés inimitables. On peut expérimenter cette symétrie en considérant les deux romans en miroir de Zola, L’Œuvre avec son peintre Claude Lantier et La Bête humaine avec son mécanicien Jacques Lantier, puis élargir le propos en examinant d’autres textes du siècle (Les Travailleurs de la mer de Hugo, des romans de Verne, Travail de Zola…).
Création de la notice
17/03/2019 21:59
Dernière modification de la notice
21/08/2019 5:14