Dans un contexte mondial de plus en plus urbanisé, il y a urgence pour les sciences de la nature à s’approprier l’écosystème urbain et à produire des cadres conceptuels et des connaissances empiriques sur l’environnement construit qui soient directement utiles à la mise en place de stratégies urbaines. Pourtant, l’intérêt des sciences de la nature pour la ville demeure encore très relatif. La majorité des publications dans ce domaine se concentre toujours sur les espaces éloignés de la ville et supposés les plus préservés de l’influence anthropique. Aussi, la ville constitue-t-elle encore un (relatif) impensé de l’écologie scientifique et plus largement des sciences de la nature.
Cet d’ouvrage collectif, issu d’un colloque international qui s’est déroulé en janvier 2019 à l’Université de Lausanne, vise à confronter les regards sur les mécanismes et valeurs qui ont jusqu’à présent freiné, et désormais stimulent, la production des connaissances naturalistes et écologiques sur la ville. Il vise en particulier à mettre au jour la diversité des agendas de connaissance à l’oeuvre en écologie urbaine et leurs rapports à l’aménagement et aux politiques de la ville. L’ouvrage esquisse ainsi une réflexion originale sur l’émergence et le développement de travaux sur la ville et les milieux urbains dans les sciences de la nature.
Dans le champ en cours de constitution et de stabilisation des humanités environnementales qui s’intéresse aux interactions sociétés-nature, les enjeux de conservation et de gestion de la ‘wilderness’ ont attiré la plus grande attention. La ville et les savoirs et pratiques écologiques particuliers qui s’y déploient sont moins investis en tant que tels. S’il existe une écologie politique urbaine (urban political ecology), elle est très orientée par l’étude des métabolismes urbains dans leurs rapports avec le capitalisme et la gouvernance néolibérale. Le présent ouvrage fait un pas de côté, en adoptant une posture réflexive qui interroge l’émergence de pratiques, agendas, collectifs et réseaux travaillant sur et dans la ville au sein des sciences de la nature, y compris dans leurs dimensions de sciences citoyennes. Il développe un regard analytique sur la production des savoirs naturalistes et écologiques sur les milieux urbains (inspiré de la géographie culturelle et des science studies), en interrogeant à la fois la capacité de la ville à reconfigurer les sciences de la nature (trajectoires, pratiques, imaginaires…) et celle des sciences de la nature à re-définir la ville.
Loin d’une approche monolithique de l’écologie urbaine (en tant que nouvelle sous-discipline ou nouveau champ de l’écologie scientifique), l’ouvrage et ses diverses contributions entendent mettre en évidence la pluralité des agendas et des modalités de production de connaissances écologiques et naturalistes sur la ville. Plutôt qu’une nouvelle sub-division académique, nous suggérons que la montée de ces travaux et agendas ouvre un espace critique avec une capacité transformative, voire subversive, des normes, identités et pratiques des sciences de la nature. L’ouvrage s’interroge notamment sur les discours et les imaginaires
impliqués dans la production des savoirs de l’écologie urbaine, et leurs articulations avec l’aménagement et les politiques urbaines.
Cet ouvrage s’intéresse à la multiplication et à l’institutionnalisation récentes des travaux de sciences de la nature en milieu urbain depuis le milieu des années 2010 et propose des exemples dans plusieurs grandes villes européennes, notamment en France, en Suisse et en Allemagne (Berlin, Zurich, Genève, Lausanne, Paris, Strasbourg, Marseille).