Processus de "deuil gelé" chez les femmes bosniaques, épouses de disparus
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State: Public
Version: After imprimatur
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Serval ID
serval:BIB_DF76C3CB0FB9
Type
PhD thesis: a PhD thesis.
Collection
Publications
Institution
Title
Processus de "deuil gelé" chez les femmes bosniaques, épouses de disparus
Director(s)
Salem Gérard
Codirector(s)
Métraux Jean-Claude
Institution details
Université de Lausanne, Faculté de biologie et médecine
Address
Faculté de biologie et de médecine Université de Lausanne UNIL - Bugnon Rue du Bugnon 21 - bureau 4111 CH-1015 Lausanne SUISSE
Publication state
Accepted
Issued date
2013
Language
french
Number of pages
57
Abstract
Les femmes concernées par cette recherche sont des femmes bosniaques, requérantes d'asile en Suisse, suivies au sein de l'association « Appartenances ». Elles ont quitté leur pays à la suite de la prise de la ville de Srebrenica, en juillet 1995. Lors de cet exode, elles ont été séparées de leurs maris, qui sont aujourd'hui encore portés disparus.
Ces femmes partagent une expérience douloureuse qui transparaît derrière un certain nombre de symptômes physiques et psychiques. Nous avons été frappés par la répétition de pertes importantes, sans que les conditions permettant un travail de deuil soient réunies. Aucune signification ne peut être attribuée aux disparitions et aux décès, masqués par le silence politique et par l'impossibilité d'accomplir un rituel. Le deuil peut ainsi se compliquer jusqu'à devenir un deuil impossible, dont le prototype pourrait être le « deuil gelé » lors d'une disparition.
D'autre part, le stress et l'attaque de l'identité occasionnés par les traumatismes et l'exil ont coupé ces femmes de leurs ressources personnelles et culturelles. La perte d'une image entière de soi est prolongée par le statut précaire de requérant d'asile et par la perte des espoirs mis dans le pays d'accueil. Devant la complexité de cette problématique, nous nous sommes demandés sur quel aspect axer la prise en charge thérapeutique. Nous avons décidé de travailler sur le vécu et les deuils actuels de ces patientes (stress post-traumatique et statut précaire en Suisse). Le concept-clé qui a étayé cette recherche s'inspire de Pollock (7): « le processus de deuil devient très significatif, dans le sens qu 'il est apparemment une des formes les plus universelles de l'adaptation et de la croissance à travers la structuration, disponible pour l'homme. » Dès lors, nous avons fait l'hypothèse que si le deuil est une forme universelle d'adaptation, l'élaboration d'un travail de deuil ou d'un processus d'adaptation quel qu'il soit, pourra servir d'apprentissage pour l'élaboration d'autres deuils.
Concrètement, en travaillant sur le rétablissement de leur identité, les femmes pourront retrouver un accès à leurs ressources personnelles et culturelles, tandis que travailler sur les espoirs et déceptions face au statut en Suisse permettra de développer des moyens permettant plus de contrôle sur l'environnement. Leur autonomie rétablie, elles pourront consacrer leurs énergies à attribuer une signification à leur vécu et faire face aux autres deuils paralysant leur guérison.
Nous avons assisté aux entretiens thérapeutiques, en récoltant des témoignages sur la base d'un canevas d'entretien semi-structuré, puis nous avons transposé les éléments sur une grille d'analyse regroupant les informations en items. L'analyse de ces entretiens nous a permis de préciser notre hypothèse et de développer des pistes de réflexion pour l'accompagnement thérapeutique de personnes vivant une disparition.
A l'issue de ce travail, nous pouvons tirer des parallèles entre les processus d'élaboration des divers deuils. Les femmes sont entrées peu à peu dans le souvenir de la personne aimée et non plus dans le souvenir des événements traumatiques qui ont marqué sa disparition. S'appuyant alors sur la « mémoire sereine » de Kristeva (1) une recherche de signification a pu être entreprise, rejoignant ce que Métraux et Fleuiy (43) définissent comme la santé : « ... se voir créateur du sens qu'on veut donner à sa propre existence, à ses actes et à ses projets. »
Ces femmes partagent une expérience douloureuse qui transparaît derrière un certain nombre de symptômes physiques et psychiques. Nous avons été frappés par la répétition de pertes importantes, sans que les conditions permettant un travail de deuil soient réunies. Aucune signification ne peut être attribuée aux disparitions et aux décès, masqués par le silence politique et par l'impossibilité d'accomplir un rituel. Le deuil peut ainsi se compliquer jusqu'à devenir un deuil impossible, dont le prototype pourrait être le « deuil gelé » lors d'une disparition.
D'autre part, le stress et l'attaque de l'identité occasionnés par les traumatismes et l'exil ont coupé ces femmes de leurs ressources personnelles et culturelles. La perte d'une image entière de soi est prolongée par le statut précaire de requérant d'asile et par la perte des espoirs mis dans le pays d'accueil. Devant la complexité de cette problématique, nous nous sommes demandés sur quel aspect axer la prise en charge thérapeutique. Nous avons décidé de travailler sur le vécu et les deuils actuels de ces patientes (stress post-traumatique et statut précaire en Suisse). Le concept-clé qui a étayé cette recherche s'inspire de Pollock (7): « le processus de deuil devient très significatif, dans le sens qu 'il est apparemment une des formes les plus universelles de l'adaptation et de la croissance à travers la structuration, disponible pour l'homme. » Dès lors, nous avons fait l'hypothèse que si le deuil est une forme universelle d'adaptation, l'élaboration d'un travail de deuil ou d'un processus d'adaptation quel qu'il soit, pourra servir d'apprentissage pour l'élaboration d'autres deuils.
Concrètement, en travaillant sur le rétablissement de leur identité, les femmes pourront retrouver un accès à leurs ressources personnelles et culturelles, tandis que travailler sur les espoirs et déceptions face au statut en Suisse permettra de développer des moyens permettant plus de contrôle sur l'environnement. Leur autonomie rétablie, elles pourront consacrer leurs énergies à attribuer une signification à leur vécu et faire face aux autres deuils paralysant leur guérison.
Nous avons assisté aux entretiens thérapeutiques, en récoltant des témoignages sur la base d'un canevas d'entretien semi-structuré, puis nous avons transposé les éléments sur une grille d'analyse regroupant les informations en items. L'analyse de ces entretiens nous a permis de préciser notre hypothèse et de développer des pistes de réflexion pour l'accompagnement thérapeutique de personnes vivant une disparition.
A l'issue de ce travail, nous pouvons tirer des parallèles entre les processus d'élaboration des divers deuils. Les femmes sont entrées peu à peu dans le souvenir de la personne aimée et non plus dans le souvenir des événements traumatiques qui ont marqué sa disparition. S'appuyant alors sur la « mémoire sereine » de Kristeva (1) une recherche de signification a pu être entreprise, rejoignant ce que Métraux et Fleuiy (43) définissent comme la santé : « ... se voir créateur du sens qu'on veut donner à sa propre existence, à ses actes et à ses projets. »
Create date
10/06/2013 11:05
Last modification date
20/08/2019 17:03