En quête d’autres milieux. La permaculture au prisme de la mésologie en Suisse et au Japon
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serval:BIB_C8F3FE7B4C69
Type
PhD thesis: a PhD thesis.
Collection
Publications
Institution
Title
En quête d’autres milieux. La permaculture au prisme de la mésologie en Suisse et au Japon
Director(s)
ARNSPERGER Christian
Codirector(s)
MOREAU Yoann
Institution details
Université de Lausanne, Faculté des géosciences et de l'environnement
Publication state
Accepted
Issued date
2023
Language
french
Abstract
La multiplicité des définitions de la permaculture qui existent aujourd’hui complexifie sa délimitation, mais elle est aussi le signe du dynamisme des communautés qui s’en prévalent, la diffusent et la concrétisent, et ce faisant, l’adaptent et en renégocient le sens. Depuis sa conceptualisation en Tasmanie dans les années septante par Bill Mollison et David Holmgren, le concept de la permaculture s’est exporté et a inévitablement évolué. Que signifie la permaculture aujourd’hui ? Comment circule-t-elle ? Comment son sens est-il disputé, fragilisé, stabilisé ?
Cette thèse propose de suivre la permaculture en Suisse et au Japon et de raconter, à travers une série de récits, ce qu’elle y motive comme expérimentations, négociations et bifurcations. Ces pays offrent un contraste intéressant, car, bien qu’ayant des relations différentes aux non-humains et d’évidentes spécificités territoriales et pédo-climatiques, ils sont tous deux confrontés aux limites écologiques et humaines de leur système agricole industrialisé et à la nécessité de la transformer à l’aune de ces limites. Un des objectifs était de mettre en lumière les diverses réponses et stratégies proposées par les permaculteurs et permacultrices face à cette situation.
Afin d’analyser les dynamiques par lesquelles la permaculture se concrétise de manière relationnelle et contextuelle, selon des trajectoires de vie, des lieux et des territoires, j’ai fait le choix de l’étudier au prisme de la mésologie. La mésologie, ou « étude des milieux humains », est une perspective développée par le géographe Augustin Berque, qui ambitionne de dépasser les dualismes du paradigme moderne grâce à des concepts radicalement relationnels : milieu, trajectivité, médiance. Elle offre ainsi des outils conceptuels et critiques à même de décrire les fluctuations du sens de la permaculture en fonction des milieux.
Tant la permaculture que la mésologie peut être lue comme une quête d’autres milieux – autres que ceux du grand récit du progrès, du capitalisme et de la modernisation écologique, et autres que ceux qui se dessinent à travers l’esthétique d’effondrement brutal qu’évoque l’Anthropocène. Qu’est-ce que ces quêtes engagent comme vision du sujet et expérience de soi ? Afin de faire ressortir leurs implications existentielles, expérientielles et politiques, je propose le concept de « soi mésologique », que j’ai construit en m’inspirant de trois figures que sont, le « militantisme existentiel » de l’économiste hétérodoxe Christian Arnsperger, le
« soi écologique » du philosophe Arne Næss et le « militantisme spirituel » de l’autrice féministe queer décoloniale Gloria Anzaldúa.
L’objectif de cette thèse est triple : 1) explorer et conceptualiser une disposition de soi qui arrive à tenir la tension entre reconnexion au milieu et déconnexion au système, en d’autres termes, qui fasse preuve de d’acceptation critique et incarnée ; 2) mettre en évidence ce qui, dans la permaculture, s’apparente à cette disposition de soi, et en quoi cette dernière est motrice d’une transformation des milieux ; 3) mettre en lumière les paysages et frictions que la permaculture fait émerger à travers ces transformations.
L’approche méthodologique est ce que Yoann Moreau appelle mésographie – une approche ethnographique des milieux, inspirée de la mésologique – dans le double contexte suisse et japonais. Elle consiste en des enquêtes de terrain basées sur de l’observation participante dans une trentaine de lieux et au sein de diverses associations et sur cinquante entretiens semi-directifs avec des pionniers, porteurs de projets et membres actifs.
Les apports principaux de cette recherche sont, 1) de raconter concrètement la permaculture par des
« récits de milieux » qui permettent de saisir conjointement des trajectoires de vie et des trajectoires de lieu ;
2) de donner à voir, à travers des « récits de frictions paysagères », les opportunités de, et les obstacles au changement que chaque territoire apporte ; 3) de situer le « soi mésologique » à l’interface entre la critique existentielle du système dominant et une attention et un prendre-soin renouvelé aux vivants.
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The multiple understandings of permaculture that currently exist complicate its definition and delimitation, but are also a sign of the dynamism of the communities that use it, disseminate it and put it into practice, and in so doing, adapt and renegotiate its meaning. After being coined in Tasmania in the 1970s by Bill Mollison and David Holmgren, the concept of permaculture has been progressively exported worldwide and has inevitably evolved. What does permaculture mean today? How does it circulate? How is its meaning put to work, disputed, weakened or stabilized?
This thesis proposes to “track” permaculture in the double context of Switzerland and Japan, through a series of stories, narrates what changes, negotiations and experimentation it is driving. These countries offer an interesting contrast, because they have different relations with non-humans, along with territorial and pedo-climatic specificities, but are both facing the ecological and human limits of their industrialized agricultural system and the need to transform it in this light. Hence, one of the purposes of this research was to explore permaculturists’ various strategies and responses to this situation.
To analyze the dynamics that lead to the emergence of permaculture contextually, as an intertwining of life trajectories, places and territories, I chose to study it through the prism of mesology. Mesology, or the 'study of human milieux', is a perspective developed by the geographer Augustin Berque, which aims to go beyond the dualisms of the modern paradigm by using radically relational concepts: milieu, trajectivity, mediance. It thus offers conceptual and critical tools to describe how permaculture’s meanings vary depending on the milieu.
Permaculture and mesology are both devoted to the quest for other milieux – other than those shaped by the grand narrative of progress, capitalism and ecological modernization, and other than those portrayed through the aesthetics of disruptive collapse of the Anthropocene. What do these quests entail for the subject’s identity and how do they engage other experiences of self? In order to bring out their existential, experiential and political implications, I propose the concept of the “mesological self”, drawing on three figures: the “existential activism” of the heterodox economist Christian Arnsperger, the “ecological self” of the philosopher Arne Næss and the “spiritual activism” of the decolonial queer feminist author Gloria Anzaldúa.
The aim of this thesis is threefold: 1) to conceptualize a disposition of self that manages to hold the tension between reconnection to the milieu and disconnection from the system, in other words, one that demonstrates embodied critical acceptance; 2) to identify what, in permaculture, resonates with this disposition of self, and how the latter is the driving force behind a transformation of milieux; 3) to explore the landscapes and frictions that permaculture creates through these transformations.
The methodological approach is what Yoann Moreau calls mesography – an ethnographic approach of milieux imbued with mesology – in Switzerland and Japan. It consists of a fieldwork-based study combining participant observation on thirty sites, active participation within various groups and associations, and fifty semi-directive interviews with pioneers, project leaders and active members.
The main contributions of this research are: 1) to narrate permaculture in a new way, through “stories of milieu” that make it possible to jointly capture life and place trajectories; 2) to narrate through “stories of landscaping frictions”, the opportunities and obstacles to change that each territory brings; 3) to position the “mesological self” in the interplay between existential criticism of the dominant system and renewed attention and care for the living.
Cette thèse propose de suivre la permaculture en Suisse et au Japon et de raconter, à travers une série de récits, ce qu’elle y motive comme expérimentations, négociations et bifurcations. Ces pays offrent un contraste intéressant, car, bien qu’ayant des relations différentes aux non-humains et d’évidentes spécificités territoriales et pédo-climatiques, ils sont tous deux confrontés aux limites écologiques et humaines de leur système agricole industrialisé et à la nécessité de la transformer à l’aune de ces limites. Un des objectifs était de mettre en lumière les diverses réponses et stratégies proposées par les permaculteurs et permacultrices face à cette situation.
Afin d’analyser les dynamiques par lesquelles la permaculture se concrétise de manière relationnelle et contextuelle, selon des trajectoires de vie, des lieux et des territoires, j’ai fait le choix de l’étudier au prisme de la mésologie. La mésologie, ou « étude des milieux humains », est une perspective développée par le géographe Augustin Berque, qui ambitionne de dépasser les dualismes du paradigme moderne grâce à des concepts radicalement relationnels : milieu, trajectivité, médiance. Elle offre ainsi des outils conceptuels et critiques à même de décrire les fluctuations du sens de la permaculture en fonction des milieux.
Tant la permaculture que la mésologie peut être lue comme une quête d’autres milieux – autres que ceux du grand récit du progrès, du capitalisme et de la modernisation écologique, et autres que ceux qui se dessinent à travers l’esthétique d’effondrement brutal qu’évoque l’Anthropocène. Qu’est-ce que ces quêtes engagent comme vision du sujet et expérience de soi ? Afin de faire ressortir leurs implications existentielles, expérientielles et politiques, je propose le concept de « soi mésologique », que j’ai construit en m’inspirant de trois figures que sont, le « militantisme existentiel » de l’économiste hétérodoxe Christian Arnsperger, le
« soi écologique » du philosophe Arne Næss et le « militantisme spirituel » de l’autrice féministe queer décoloniale Gloria Anzaldúa.
L’objectif de cette thèse est triple : 1) explorer et conceptualiser une disposition de soi qui arrive à tenir la tension entre reconnexion au milieu et déconnexion au système, en d’autres termes, qui fasse preuve de d’acceptation critique et incarnée ; 2) mettre en évidence ce qui, dans la permaculture, s’apparente à cette disposition de soi, et en quoi cette dernière est motrice d’une transformation des milieux ; 3) mettre en lumière les paysages et frictions que la permaculture fait émerger à travers ces transformations.
L’approche méthodologique est ce que Yoann Moreau appelle mésographie – une approche ethnographique des milieux, inspirée de la mésologique – dans le double contexte suisse et japonais. Elle consiste en des enquêtes de terrain basées sur de l’observation participante dans une trentaine de lieux et au sein de diverses associations et sur cinquante entretiens semi-directifs avec des pionniers, porteurs de projets et membres actifs.
Les apports principaux de cette recherche sont, 1) de raconter concrètement la permaculture par des
« récits de milieux » qui permettent de saisir conjointement des trajectoires de vie et des trajectoires de lieu ;
2) de donner à voir, à travers des « récits de frictions paysagères », les opportunités de, et les obstacles au changement que chaque territoire apporte ; 3) de situer le « soi mésologique » à l’interface entre la critique existentielle du système dominant et une attention et un prendre-soin renouvelé aux vivants.
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The multiple understandings of permaculture that currently exist complicate its definition and delimitation, but are also a sign of the dynamism of the communities that use it, disseminate it and put it into practice, and in so doing, adapt and renegotiate its meaning. After being coined in Tasmania in the 1970s by Bill Mollison and David Holmgren, the concept of permaculture has been progressively exported worldwide and has inevitably evolved. What does permaculture mean today? How does it circulate? How is its meaning put to work, disputed, weakened or stabilized?
This thesis proposes to “track” permaculture in the double context of Switzerland and Japan, through a series of stories, narrates what changes, negotiations and experimentation it is driving. These countries offer an interesting contrast, because they have different relations with non-humans, along with territorial and pedo-climatic specificities, but are both facing the ecological and human limits of their industrialized agricultural system and the need to transform it in this light. Hence, one of the purposes of this research was to explore permaculturists’ various strategies and responses to this situation.
To analyze the dynamics that lead to the emergence of permaculture contextually, as an intertwining of life trajectories, places and territories, I chose to study it through the prism of mesology. Mesology, or the 'study of human milieux', is a perspective developed by the geographer Augustin Berque, which aims to go beyond the dualisms of the modern paradigm by using radically relational concepts: milieu, trajectivity, mediance. It thus offers conceptual and critical tools to describe how permaculture’s meanings vary depending on the milieu.
Permaculture and mesology are both devoted to the quest for other milieux – other than those shaped by the grand narrative of progress, capitalism and ecological modernization, and other than those portrayed through the aesthetics of disruptive collapse of the Anthropocene. What do these quests entail for the subject’s identity and how do they engage other experiences of self? In order to bring out their existential, experiential and political implications, I propose the concept of the “mesological self”, drawing on three figures: the “existential activism” of the heterodox economist Christian Arnsperger, the “ecological self” of the philosopher Arne Næss and the “spiritual activism” of the decolonial queer feminist author Gloria Anzaldúa.
The aim of this thesis is threefold: 1) to conceptualize a disposition of self that manages to hold the tension between reconnection to the milieu and disconnection from the system, in other words, one that demonstrates embodied critical acceptance; 2) to identify what, in permaculture, resonates with this disposition of self, and how the latter is the driving force behind a transformation of milieux; 3) to explore the landscapes and frictions that permaculture creates through these transformations.
The methodological approach is what Yoann Moreau calls mesography – an ethnographic approach of milieux imbued with mesology – in Switzerland and Japan. It consists of a fieldwork-based study combining participant observation on thirty sites, active participation within various groups and associations, and fifty semi-directive interviews with pioneers, project leaders and active members.
The main contributions of this research are: 1) to narrate permaculture in a new way, through “stories of milieu” that make it possible to jointly capture life and place trajectories; 2) to narrate through “stories of landscaping frictions”, the opportunities and obstacles to change that each territory brings; 3) to position the “mesological self” in the interplay between existential criticism of the dominant system and renewed attention and care for the living.
Keywords
Japon, mésologie, militantisme existentiel, paysages nourriciers, permaculture, soi mésologique, Suisse, transition agroécologique., agroecological transition, existential activism, Japan, mesological self, mesology, nurturing landscapes, permaculture, Switzerland.
Create date
01/11/2023 9:16
Last modification date
07/11/2023 9:16