"Je cherchais à faire en sorte que l'approche fût vraiment vivante, de chair et de sang". Cette phrase de Gyôrgy Kurtâg illustre l'objectif du présent travail: donner au caractère abstrait du phénomène rythmique une concrétude déclinée en divers axes de réflexions centrés sur l'incarnation du rythme. La démarche entreprise s'articule autour de la corporéité de la mise en forme de l'exécution musicale, qui engage la personne tout entière - la nature de cette dernière étant définie par l'hylémorphisme comme un composé d'âme et de corps. Différents principes engagés dans la production musicale y sont exposés, replaçant la notion de rythme dans une acception élargie: celle touchant à la synthèse gestuelle et temporelle, où chaque frappe existe en rapport à ce qui la précède et lui succède, comme ce qui est (présent) est synthèse de ce qui était et de ce qui sera; présent non pas compris comme point intermédiaire d'une succession temporelle, mais comme instant contenant passé et futur dans une forme de simultanéité synthétique. En retraçant les origines corporelles de la musique, notamment dans son lien intime avec la danse, l'interdépendance de ces deux disciplines transparaît, renvoyant ainsi la pratique instrumentale à l'engagement corporel complet du musicien. La notion de "sens du rythme", intimement corrélée à celle de la structuration de l'espace et du rythme, y est discutée, afin d'en dégager divers principes pédagogiques applicables dans l'enseignement musical.