Abstract :
Introduction : Depuis le XIXème siècle, les progrès technologiques et techniques ont permis de grandes avancées dans la compréhension neuro-anatomique du langage. Ce travail consiste à comparer trois représentations anatomiques du langage établies entre 1910 et
2010.
Question: Modification de la neuroanatomie du langage entre 1910 et 2010: A-t-elle
changé la définition du langage et de l’aphasie ?
Méthodologie : Etude de la littérature primaire et secondaire.
Résultats : Les Dejerine (années 1900) ont décrit la « zone du langage » par une approche
anatomo-pathologique, qui consiste en trois centres cérébraux connectés par des faisceaux d’associations ; la troisième circonvolution frontale (1), la première circonvolution temporale
et le gyrus supramarginal (2) et le gyrus angulaire (3). Le faisceau longitudinal supérieur ou arqué connecte les centres 1 et 3 au centre 2, le faisceau longitudinal inférieur connecte les centres 2 et 3, le faisceau occipito-frontal connecte les centres 2 et 3 au centre 1 et le faisceau unciné connecte les centres 2 et 1. Des tableaux cliniques d’aphasies motrice et
sensorielle respectifs à une lésion de la zone sont détaillés.
La deuxième représentation est décrite pas Geschwind et Damasio dans les années 1960-80
et est marquée par l’introduction du CT-scan et le développement d’un modèle linguistique
de langage. Le fonctionnement cérébral du langage est dépeint selon le principe de Flechsig
et de Bailey et Bonin. Il implique des « zones primordiales » qui interagissent entre elles par
des « zones intermédiaires » du cortex. Les gyri angulaire et supramarginal sont présentés
comme une « zone terminale » qui supporterait la fonction langagière. Damasio a ensuite
introduit de nouvelles zones d’association secondaire selon ce principe. De nouvelles régions
associées aux aphasies ont été trouvées, comme l’insula, les ganglions de la base et le
thalamus, et de nouveaux tableaux cliniques d’aphasies ont été décrits.
La troisième représentation est décrite par Price dans les années 2000 au moyen de l’IRM
fonctionnelle et des modéles et cognitifs du langage développés dans les années 80. A
l’inverse des deux autres représentations, Price a pu mettre en évidence les régions actives
en réponse à différents stimuli propres au langage et a conclu à un fonctionnement cérébral
intégré en réseau. Ceci a engendré un élargissement des régions cérébrales impliquées dans
le langage, et a affiné le rôle de certaines structures comme le cortex temporal postéro-
inférieur, les ganglions de la base et le cervelet. L’aphasie serait une constellation de
symptômes relative à une lésion donnée dans le réseau, sans pour autant que la zone lésée
soit le siège des fonctions déficitaires.
Conclusion : Les bases de l’anatomie du langage avaient déjà été découverte au XIXème siècle. L’introduction du CT-scan et de l’IRM fonctionnelle, associé aux nouveaux modèles
linguistiques et cognitifs de langage ont engendré un élargissement de la zone du langage et un affinement anatomique des fonctions langagières, en particulier dans le processus de production et dans le champ sémantique. Les tableaux classiques d’aphasies restent un bon reflet des aires cérébrales essentielles au langage et sont utiles aux cliniciens comme base de réflexions, mais l’IRM fonctionnelle a démontré qu’associer un tableau clinique à une localisation cérébrale était obsolète.