Les individus rejoignant les rangs de la police proviennent d’horizons divers et le font après des parcours contrastés. Le recrutement s’est en effet diversifié ces dix à vingt dernières années, notamment du fait d’une féminisation et d’une élévation du niveau de diplôme des individus recrutés, observées dans différents contextes nationaux. En dépit de cette deuxième tendance, les corps de police continuent, en parallèle, à recruter des individus aux origines sociales plus modestes. Les propriétés et trajectoires contrastées des recrues peuvent constituer un terrain favorable à leur adhésion à la doxa policière, ou, au contraire, les conduire à y résister. C’est à ces contrastes dans la construction de leur habitus professionnel, à ce que les nouvelles entrantes et nouveaux entrants font des normes et valeurs de l’institution policière, que cet ouvrage est principalement consacré. Il montre comment le processus de socialisation professionnelle ne s’exerce pas de la même manière sur tous les individus, selon leur passé. Est étudiée l’importance décisive que jouent, dans la manière dont les individus deviennent policiers, leurs origines sociales et géographiques, leur socialisation de genre, leur type de mobilité sociale antérieure, la place qu’occupe l’entrée dans le métier dans leurs stratégies d’ascension sociale, ainsi que les éventuelles pertes de statut dont ils ont pu faire l’expérience antérieurement.
Cet ouvrage rend également compte des débats et luttes à propos des définitions de l’excellence professionnelle caractérisant le sous-champ policier suisse, découlant de la présence de courants réformateurs au sein de la profession. Finalement, grâce à des séjours d’observation répétés effectués au sein d’une école de police, le livre montre que les formatrices et formateurs défendant des modèles professionnels hétérodoxes doivent faire face à de nombreux obstacles qui, au sein même du dispositif de formation, s’opposent à leur projet de promotion du changement. Ceux-ci relèvent notamment de la centralité accordée à la force dans l’enseignement et de son caractère militaire, ainsi que des propriétés contrastées des formatrices et formateurs des différentes matières.