Cette thèse explore les conditions sociales de l’accumulation financière à travers l’analyse du travail des professionnels de la finance dans une « boutique du capitalisme ». Elle propose une plongée dans les pratiques professionnelles des banquiers d’affaires qui conseillent les opérations de fusions-acquisitions (c’est-à-dire les transactions où l’entreprise est la marchandise échangée). Elle s’appuie principalement sur une enquête ethnographique d’un an réalisée en tant qu’analyste financier dans une banque d’affaires suisse ainsi que sur 133 entretiens réalisés avec des professionnels des transactions d’entreprises en France et en Suisse. Enfin, ces données qualitatives sont complétées par la constitution d’une base de données sur les banques d’affaires suisses. La thèse montre que le travail de conversion du capital social en capital économique est au cœur de l’activité des banquiers d’affaires. Premièrement, ce travail consiste à construire activement leur capital social. Cette activité repose sur un triple effort de création de nouveaux contacts, de maintien des relations existantes et, enfin, d’activation de ces liens en ressources potentielles. Ces efforts de constitution d’un capital social impliquent également des dynamiques de genre, qui, dans un milieu professionnel très masculin, tendent à entraver l’accès des femmes à ces réseaux. Deuxièmement, puisqu’il permet la circulation d’informations sur les entreprises en vente, le capital social nourrit les processus d’évaluation des entreprises et donc, d’établissement des prix. Troisièmement, les banquiers d’affaires engagent aussi un travail de la réputation, qui passe par le choix des clients pour lesquels ils choisissent de travailler, la mise en avant de leurs réalisations professionnelles, ainsi que la promotion, dans les interactions, de leur valeur professionnelle. Articulant une approche issue de la sociologie économique et de la sociologie des pratiques professionnelles, cette recherche contribue à notre compréhension de la finance. Elle montre que le travail de valuation n’est qu’une étape facilitant la circulation du capital. Ainsi, loin de se réduire à une série d’opérations techniques, le capitalisme est un processus continu de conversion des capitaux tourné vers l’accumulation financière.
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This doctoral dissertation analyzes the work of financial professionals in a ‘boutique of capitalism’ to explore the social conditions of financial accumulation. It focuses on the professional practices of investment bankers advising corporate transactions (M&A). The thesis draws primarily on a one-year ethnographic research conducted as a financial analyst in a Swiss investment bank. Additionally, 133 interviews were carried out with professionals who participate in corporate transactions in France and Switzerland. These qualitative data were complemented by a database created on Swiss investment banks. The thesis concludes that the conversion of social capital into economic capital is the core aspect of investment bankers’ activity. First, the work entails actively building their social capital, which is based on a threefold effort to: generate new contacts, preserve existing ties, and ultimately, activate these links into potential resources. Gender dynamics, inherent to an exceedingly male-dominated professional milieu, impede women’s access to these networks, thus undergirding this effort to construct social capital. Secondly, because it enables the circulation of information about companies for sale, social capital feeds into the process of valuing companies and thus setting prices. Thirdly, investment bankers engage in reputation work, which involves choosing their clients, emphasizing their professional achievements, and promoting their professional worth in interactions. By combining an approach from economic sociology and sociology of work, this research contributes to our understanding of finance. It demonstrates that valuation work is just a stage in enabling the circulation of capital. Aimed at financial accumulation, capitalism is not a mere sequence of technical operations; it is a constant process of capital conversion.